La Clarté-Dieu, maison franciscaine, 91400 ORSAY
La Clarté-Dieu, maison franciscaine, 91400 ORSAY

Dimanche de la Résurrection – 9 avril 2023

 

 

            Nous voici donc au matin de Pâques ! Pour le dimanche de la Résurrection, la Liturgie nous fait lire Jn 20.

            C'est le début d'une nouvelle époque, car c'est le premier jour de la semaine ; la semaine s'était terminée sur le shabbat, après la mort de Jésus !

 

            Marie Madeleine ne perd pas de temps, il fait encore sombre que, déjà, elle se met en route pour rendre à Jésus les derniers soins que l'on rend habituellement aux morts. Qu'est-ce qui la presse donc si fort ? Est-ce seulement le soin que l'on rend à un mort ? N'est-ce pas aussi son amour pour Jésus ? Son amour pour Jésus, n'est-ce pas lui qui est en train de passer par-dessus la mort et qui est, comme le premier signe à peine perceptible, de la vie qui traverse la mort ?

 

Mais voilà, l'événement de la Résurrection que j'ai essayé d'évoquer hier soir s'est produit sans qu'il n'y ait aucun témoin. Ou plutôt on pourrait dire que le seul et l'unique témoin, mais aussi le vrai témoin, c'est le tombeau qui s'est ouvert et avec lui la pierre qui a été roulée. Jésus n'est plus parmi les morts, mais déjà parmi les vivants pour l'éternité. Or cela, personne ne le sait encore, personne ne le comprend. Il est bien évident que ce n'est pas l'amour de Madeleine qui ressuscite Jésus, bien sûr !! Mais il évoque ce verset de l'Ecriture : L'amour est fort comme la mort. Par contre OUI, l'Amour du Père qui reçoit l'obéissance du Fils, fait remonter celui-ci des Enfers.

 

            Pour revenir au récit, Marie-Madeleine se heurte donc à cette première constatation : le tombeau a été ouvert. Cette constatation que cette pierre roulée fait sur elle est tellement forte qu'elle rebrousse chemin. Elle ne prend pas la peine de vérifier ce que cela signifie, elle ne cherche pas d'explication. Elle ne sait qu'une chose : c'est qu'un événement singulier s'est passé. Elle formule dans sa tête l'explication la plus simple qui soit et qu'elle doit partager avec ceux qui lui sont proches et qui étaient les disciples de Jésus : le Seigneur est parti, on l'a enlevé.

 

Cette explication n'est ni idiote ni farfelue, elle est même tout à fait compréhensible. Elle est la déduction logique de ce qu'elle a vu. C'est en quelque sorte la première étape face à la Résurrection de Jésus, c'en est l'attitude la plus fruste, la plus rudimentaire. Il en faut passer par là. Et par là, d'une certaine manière, Marie-Madeleine est le cheminement type de tout croyant face à la Résurrection.

 

Comme elle n'est pas capable de résoudre cette énigme elle s'en rapporte aux membres les plus éminents de la communauté, Simon Pierre d'abord, l'autre disciple ensuite.

 

L'évangile de Jean fait alors dispraître Marie-Madeleine de la circulation. Il livre simplement l'expérience de foi des deux disciples. Après Pierre, arrive l'autre disciple, et c'est certainement lui qui nous livre son expérience : Il vit et il crut. L'évangéliste ne nous dit rien de son cheminement, du pourquoi et du comment, du quoi, du qu'est-ce. Il est sans doute le seul à avoir fait cette expérience de foi en la Résurrection, en l'absence de la personne physique de Jésus, ce que nous verrons dans la suite des apparitions. On retrouvera Marie-Madeleine en pleurs auprès du tombeau, exprimant sa tristesse inconsolable d'avoir perdu son Seigneur.

 

Nous sommes un peu comme Jean, nous ne sommes pas gratifiés d'une apparition de Jésus. Jésus ressuscité n'apparaît ou n'est apparu à aucun d'entre nous. Nous n'avons rien d'autre que les textes évangéliques, le témoignage de milliers et milliers de chrétiens qui transmettent leur foi de génération en génération. C'est sur leur parole, à leur exemple que nous proclamons notre foi en la Résurrection. Foi ? certainement ! Il n'y a aucun élément scientifique, aucune argumentation logique, aucune déduction bien construite qui peut nous amener à dire que Jésus, mort sous Ponce Pilate, est ressuscité le troisième jour, son corps pouvant se laisser toucher, approcher et portant en lui-même les traces encore bien visibles de sa souffrance, la marque des clous et le côté ouvert.

 

Annoncer notre foi en la Résurrection, aujourd'hui, c'est affirmer que la mort n'a pas le dernier mot dans notre existence humaine. Mais cette victoire sur la mort ne s'obtient pas par des prouesses technologiques, toujours plus sophistiquées qui viseraient à priver l'homme de sa mort, à le "démortaliser en quelque sorte" comme voudraient nous le faire croire les tenants du transhumanisme. La finitude de l'homme se fait par un passage, par une adhésion à Celui qui est passé par là avant nous. Nous trouverons en Jésus, mort et ressuscité, l'expression la plus achevée de notre humanité, parce que le Christ a su assumer la vie humaine dans toutes ses expressions y compris la souffrance et la mort. C'est à cela que nous sommes tous appelés : à passer par la mort à tout égoïsme, avec le Christ et par le Christ. C'est le seul chemin qui sauve et qui sauve l'humanité.

 

© frère Michel Caille, franciscain – Strasbourg

Samedi saint – Annonce de la Résurrection - 8 avril 2023

 

            Nous sommes la nuit de la Résurrection durant laquelle le Seigneur Jésus est ressuscité. C'est ce que nous dit la foi chrétienne, notre foi. Mais nous ne savons ni où, ni surtout comment cela s'est passé, comment s'est opérée la Résurrection. Il n'y a eu aucun témoin oculaire. Aucun journaliste n'était là pour capter l'événement. C'est que la Résurrection de Jésus nous a été transmise par des témoins qui ont cru mais pas par le fait que l'on rapporte ; ce sont de ces témoins que nous avons reçu la foi en la Résurrection, que nous la célébrons ce soir et, ce faisant, que nous la transmettons.

 

            Chacun à sa manière, les évangélistes rendent compte de la Résurrection ou plutôt tentent de décrire la façon dont les témoins transmetteurs sont arrivés à la foi en la Résurrection.

 

            Matthieu est sans doute le plus loquace qui nous dit, alors que Marie de Magdala et l'autre Marie se rendent au sépulcre, qu'il y eut un grand tremblement de terre, que l'ange descendit et roula la pierre (Mt 28, 2). Ces détails sortent totalement de la vie ordinaire des hommes, de chacun d'entre nous. Cette description est là pour rendre compte de ce que les femmes vont trouver : la pierre est roulée et le tombeau est vide. Mais l'événement lui-même de la Résurrection n'est pas raconté, car il ne peut être appréhendé.

 

            Tout simplement parce que c'est totalement impossible. La Résurrection est un événement qui se déroule dans notre Histoire, dans la vie des hommes, mais ce n'est pas une histoire que l'on raconte, dont on a été témoin. La Résurrection n'est pas comme le couronnement du Roi d'Angleterre auquel chacun peut assister et qui est retransmis sur notre écran de télé ou notre portable.

 

            Il en est ainsi parce que la Résurrection dépasse totalement notre Histoire, tout comme un tremblement de terre dépasse notre histoire : nous n'avons aucune prise sur lui. Nous pouvons le prévoir, mais non l'empêcher même si nous en ressentons les effets, ô combien puissants ! À plusieurs reprises, Jésus a annoncé à ses disciples sa mort et sa résurrection. L'incompréhension, le refus de la Lumière et de la Vérité, dû à la lâcheté des hommes ont amené Jésus au Calvaire. Mais l'effet de la Résurrection et de la foi en la Résurrection a été puissant sur les disciples. De timorés, de peureux qu'ils étaient, ils sont devenus des gens courageux dont le premier message a été un cri : Il est Ressuscité !

 

L'événement de la Résurrection dépasse notre Histoire parce qu'il lui donne son sens. C'est le sens de notre histoire, c'est vers là que nous devons aller. Alors que, peu ou beaucoup, nous subissons les effets du péché par la mort et la souffrance, nous affirmons que la mort, la souffrance, le désespoir, le néant, le non-sens n'auront qu'un temps.

 

Chaque fois que nous célébrons et annonçons la Résurrection du Christ, nous entrons à nouveau dans cette perspective, dans l'histoire de notre renouvellement. Nous nous situons dans la longue chaîne, la longue lignée de témoins, connus, mais le plus souvent anonymes qui ont vécu cette foi et l'ont fait passer, l'on transmise, du mieux qu'ils ont pu.

 

Chaque fois que nous proclamons notre foi en la Résurrection nous affirmons la victoire de la Vie sur la mort ; cette victoire nous a été obtenue par le Christ lui-même qui, innocent, a accepté de mourir pour des coupables.

 

La célébration de la Résurrection, comme aussi celle de la Croix, mais à un autre titre, est là pour nous replacer une fois encore en face de ce grand mystère. De cette célébration nous arrive la foi de toutes les générations de croyants qui nous l'ont transmise. La célébration liturgique réanime, vivifie notre foi en la Résurrection. Vivons-la donc avec recueillement et application et que le Seigneur ressuscité nous habite vraiment et nous affermisse dans notre foi.

 

© frère Michel Caille, franciscain – Strasbourg 

Vendredi Saint – 7 avril 2023

 

Durant ce jour très saint, nous célébrons et vénérons la mort de Notre Seigneur Jésus Christ. La plupart du temps on procède aux funérailles d'un roi, d'un empereur, d'un président car c'est le moment où il disparaît et où presque toujours sinon toujours son œuvre est engloutie. Au mieux on se rappelle, on commémore l'anniversaire de sa disparition.  Car avec la mort du grand homme s'achève également le pouvoir qu'il a exercé directement sur les hommes. Ne restent alors que les quelques livres, sentences qu'il a écrites ou les monuments qu'il a fait construire pour que son nom passe à la postérité. L'influence qu'il a exercée ne sera plus qu'indirecte sur la vie des hommes, comme, par exemple, on visite la Grande pyramide de Gizeh, mais qui sait encore qui était Khéops ?

 

Pour les chrétiens, voilà bien la différence. Chaque année on célèbre la mort du Christ. Chaque année, on revient au pied de la Croix, on vénère l'instrument de ce supplice infâme réservé aux bandits, aux criminels, supplice particulièrement dégradant et horrible par la lenteur avec laquelle venait la mort.

 

Nous vénérons la Croix, non pas comme un simple entrecroisement de bois, non pas comme un instrument de supplice, non pas comme un objet fétiche qui aurait un pouvoir anesthésiant ou des vertus de guérison. Nous vénérons la Croix, non pas comme le lieu vide de la mort dans une répétition sentimentale en éprouvant le regret éternel de l'aimé à jamais disparu, mais comme la source de la vie.

 

Nous venons à la Croix parce que c'est là que notre Seigneur et Maître a donné sa vie, non pas de manière contrainte et forcée, mais volontairement, librement et de son plein gré. Ma vie personne ne me l'enlève, mais je m'en dessaisis de moi-même ; j'ai le pouvoir de m'en dessaisir et j'ai le pouvoir de la reprendre (Jn 10, 18). La liberté que Jésus exprime dans ce discours est la liberté d'un amour absolument détaché de tout lien de nécessité. C'est la liberté de l'amour.

 

Nous venons à la Croix comme à la source de l'Amour, du plus grand amour, de l'amour total. Cet amour-là n'avait pas d'endroit où reposer sa tête et il contemplait, émerveillé la beauté des lys des champs qui ne sèment ni ne moissonnent et que le Père des cieux maintient en vie. L'amour du Christ est donc un amour souverainement dépouillé, mais aussi souverainement obéissant, qui nous ouvre à l'Amour de Dieu, de sa Création et de ses créatures grandes et petites.

 

Nous venons à la Croix parce que nous y trouvons, précisément à cause de tout cela, la réalité la plus authentique de notre humanité. Là, sur ce bois, chacun peut y retrouver sa propre humanité, son chemin quel qu'il soit, aussi douloureux soit-il puisque le Christ, Lui l'Innocent, n'a pas refusé la souffrance, ne s'est pas soustrait à ceux qui le maltraitaient. Là, sur ce bois, chacun peut y entendre le cri de: Mon Dieu, Mon Dieu pourquoi m'as-tu abandonné ? Chacun peut y retrouver la clameur de sa propre souffrance, de son désir le plus intense de vivre, de son aspiration la plus profonde : J'ai soif.

 

Mais alors, dira-t-on, pourquoi cheminer ainsi chaque année vers un mort ? Tout simplement parce que nous avons la mémoire courte et que chacun, chacune doit régulièrement se réorienter vers le Bien.

Frères et sœurs, Celui que nous vénérons sur la Croix aujourd'hui n'est pas un mort, mais un vivant. Oui, celui que nous vénérons est un vivant, mais nous savons que, pour le trouver, nous devons passer par une certaine mort à nous-mêmes, préfiguration de notre mort physique. Dès demain, nous célèbrerons sa Résurrection comme nous célébrons en ce moment sa mort, la mort de l'Innocent.

 

La raison de tout ceci nous est donné par l'auteur de l'épître aux Hébreux : parce qu'il s'est soumis en tout, il a été exaucé (He 5, 7). Non pas une soumission d'esclave, mais d'homme libre, de celui qui pouvait tout et n'a été le Maître de rien ni de personne, de celui qui avait tout et ne s'est attaché à rien, de celui qui venait d'auprès de Dieu et qui est descendu jusqu'au fond des Enfers. La clé de sa mort et de sa Résurrection est là : dans l'acceptation totale et joyeuse de ce que Lui demandait le Père : le Père source de sa vie, Maître de l'éternité, de la Création des temps et de l'histoire.

 

Puisse donc Celui que nous vénérons maintenant nous aider dans notre propre cheminement, nous aider à Le suivre, et être ainsi la source de notre amour, de notre joie et de notre vie. Grâce au don de nous-même à Notre Seigneur Jésus, vivre dans la joie, en nous donnant, en aimant comme Lui-même a aimé en suivant l'exemple qu'Il nous a donné, car il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime.

 

© frère Michel Caille, franciscain

Jeudi Saint – 6 avril 2023

 

En ce jour du Jeudi saint nous célébrons l'Institution de l'Eucharistie. La lecture de l'évangile est toujours celui de saint Jean qui relate un rite important : celui du lavement des pieds. Ce rite est totalement lié à celui de l'Eucharistie. En effet Jean 13 commence ainsi : Avant la fête de la Pâque … au cours du repas… Jésus se mit à laver les pieds de ses disciples (Jn 13). C'est sans doute là, avant sa mort en Croix, que Jésus exprime le mieux le sens de sa mission : Le Fils de l'Homme n'est pas venu pour être servi mais pour servir. Servir en se mettant aux pieds des hommes, leur lavant les pieds signe de la purification pas seulement physique et matérielle mais aussi et surtout morale et intérieure que sa mort apporte en réconciliant définitivement et totalement les hommes avec Dieu son Père. Il est Lui l'Innocent qui donne sa vie et donne un sens à nos relations fraternelles

 

L'institution

Dans le récit que nous venons de lire, Jean ne nous offre pas de récit direct de l'institution de l'Eucharistie contrairement aux évangiles synoptiques. Il se contente de dire ce que je viens de rappeler : avant la fête de la Pâquesau cours d'un repas. Il s'agit du même repas au cours duquel les fils d'Israël célébraient leur libération et leur sortie d'Égypte, pays où ils avaient été tenus en esclavage. C'est le repas de la libération, le repas du salut, celui du Passage du Seigneur, présence libératrice du Seigneur au milieu de son peuple. C'est aussi selon toute vraisemblance, le repas auquel Paul fait allusion dans la première lecture de l'épître aux Corinthiens.

 

Ce qui est devenu maintenant notre Eucharistie présente un certain nombre de caractéristiques qui permettent de voir qu'elle est issue du repas pascal juif que je viens d'évoquer. De ces caractéristiques j'en retiendrai 3 :

- Tout d'abord un fait d'évidence : c'est bien au cours de la Pâque juive que Jésus réunit ses disciples pour célébrer le jour de la grande libération, la sortie de l'esclavage et de la servitude.

- On se rassemble en famille et c'est le père de famille qui préside ce repas. Il se rattache bien entendu à ce qui a été prescrit aux fils d'Israël juste avant la sortie d'Égypte. On se réunit en famille, l'entité sociale de base. On ne célèbre pas l'escapade d'un individu. Le repas pascal est vécu comme le repas de la libération de la petite unité de base qu'est la famille. Les évangiles synoptiques se font l'écho de cette préparation de la Pâques : où veux-tu que nous te préparions à manger la Pâque ? (Mt 26, 17). Jésus est vu comme le père de famille, comme le convive par excellence, celui qui préside et dirige le repas. Il est donc le Maître, celui auquel et autour duquel le repas va se dérouler. Il célèbre ce repas la nuit où il fut livré (1Co 11, 23) c'est-à-dire quelques instants avant d'être arrêté. C'est son repas, son passage de ce monde au Père.

- Parmi les mets que compte ce repas il y a, entre autres, des pains azymes, ou pains sans levain et deux coupes de vin. Jésus reprend cette nourriture en disant la bénédiction, en rendant grâces à Celui de qui vient tout don. Mais il oriente ce repas dans une autre direction. Ce repas est la signification même de sa propre existence : ceci est mon corps qui est pour vouscette coupe est la nouvelle alliance en mon sang (1Co 11, 24. 25). Le pain sans levain devient son Corps, la coupe de vin devient l'Alliance nouvelle en son sang.

 

Le rôle de la Tradition

Le geste du lavement des pieds que Jésus opère durant son dernier repas de Pâque est orienté vers l'Institution de l'Eucharistie en indiquant qu'il aide à construire une société fraternelle. Les disciples du Christ ne se retrouvent pas seulement autour d'une Table, si sainte soit-elle, mais pour bénéficier de l'exemple du Maître, recevoir sa nourriture et pour bien édifier la sainte communauté des hommes, l'Église.

En nous tournant vers la 1° aux Corinthiens, nous découvrons un autre aspect de l'Eucharistie sur leque nous pouvons nous arrêter quelques instants.

Paul nous livre le récit de l'institution à travers la Tradition : j'ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur et je vous l'ai transmis. Contrairement aux apôtres qui étaient présents en cette préparation de la Pâque, Paul était absent. Il transmet, aux destinataires de sa lettre ce que lui-même a reçu. Cela témoigne, au plus près de la mort du Christ, de la volonté de transmettre ce qui est reçu. L'Eucharistie n'est pas reçue seulement pour être partagée en un moment précis de chacune de nos histoires, mais pour être à son tour transmise. Elle est tout à la fois réception et transmission, passage.

 

Faire mémoire

Célébrer la Pâques, c'est faire mémoire. Ce n'est pas qu'un simple souvenir d'un repas ou d'un événement qui s'est déroulé autrefois dans un pays lointain. Non, le repas lui-même est mémoire, souvenir, il active, il rend présent le repas qui eut lieu ce soir-là en sortant d'Égypte.

Dans la tradition qu'il a reçue, Paul insiste sur cette mémoire. Jésus demande de faire mémoire aussi bien quand il donne son corps que quand il invite à boire la coupe, d'abord : faites cela en mémoire de moi, puis chaque fois que vous en boirez, faites cela en mémoire de moi (1Co 11, 24. 25). Paul ne se contente pas de rappeler les paroles du Seigneur, il insiste bien sur l'importance de faire mémoire ; en effet, il ajoute : chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'Il vienne (1Co 11, 24). L'Eucharistie que nous célébrons a donc un lien direct et essentiel avec la mort du Seigneur Jésus. Elle la rend présente et effective, réellement. En sommes-nous toujours conscients ? On annonce cette mort, c'est-à-dire non seulement les circonstances matérielles et historiques, mais surtout salvifiques, décisives pour notre vie. Le don que le Seigneur fait de sa vie passe, advient à ce moment-là !

Ne nous étonnons pas que notre liturgie insiste sur ce fait quand le célébrant invite à nous rendre attentifs à ce qui se passe au moment de la consécration : Il est grand le mystère de la foi. Oui, effectivement, il est grand le mystère de la foi : car si nous absorbons cette simple nourriture du pain et du vin consacrés, cette même foi nous dit que ce n'est pas nous qui transformons Celui que nous absorbons mais c'est bien Lui qui nous absorbe et qui nous transforme en Lui. Nous ne sommes plus des individualités juxtaposées, mais nous devenons vraiment son Corps mystique pour l'éternité, présent aujourd'hui pour la vie du monde.

 

 

© Frère Michel Caille, franciscain - Strasbourg

Homélie du frère Didier Brionne, Ofm,

3ème dimanche Ordinaire année C - 23 Janvier 2022           

 

Au cœur de la célébration eucharistique, la Parole de Dieu nous est donnée pour nourrir notre foi. Risquer quelques mots en lien avec l’Evangile du jour, c’est rappeler que Dieu nous parle et dit la manifestation de Jésus Christ à son peuple.

 

Dimanche dernier, l’épisode des noces de Cana montrait à tous le lien très fort établi par Jésus lui-même entre l’Ancien et le Nouveau Testament. La symbolique de la noce, avec l’appel à l’intervention de Jésus, dit la continuité d’une même Alliance entre Dieu et son peuple rassemblé pour ce repas.

 

Cette fois le cadre est différent, mais l’objectif semble pourtant le même : redire et montrer que Jésus ne supprime pas la première alliance mais l’accomplit, un seul et même Testament, Alliance qu’Il est venu la sceller dans le don de sa vie.

 

Le cadre de l’événement est religieux. Nous sommes à la synagogue, au cœur de l’office synagogal du jour du sabbat avec la lecture de la Parole. Jésus, membre à part entière du peuple juif et de la communauté liée à la synagogue de Nazareth, intervient, selon son habitude nous dit-on, comme lecteur et commentateur du texte du jour, un passage du prophète Isaïe.

 

L’annonce est forte et solennelle : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction » dit le prophète Isaïe. Cette annonce devient choquante pour certains, lorsque lui-même la commente et se l’attribue : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture que vous venez d’entendre ! ». Jésus se manifeste là comme l’envoyé du Père, le messie attendu, sur lequel vient l’Esprit. Tout au long de son ministère les tensions seront présentes, car ce sera sans cesse une remise en cause de sa prétention qui ira jusqu’à l’accusation de blasphème.

 

On aimerait pouvoir accueillir cette affirmation de Jésus sur lui-même dans une démarche de foi, d’accueil. N’invite-t-elle pas à placer notre confiance dans l’action de Dieu, celle du Père envoyant le Fils porter la Bonne Nouvelle du salut.

Au quotidien, nos yeux et nos oreilles, nos cœurs, préoccupés que nous sommes, sont empêchés de vivre cette attitude d’ouverture et d’accueil.

Comment garder confiance au vu des événements difficiles qui nous affectent ? Comment rebondir et se ressaisir dans la foi ? La tache est immense. Il nous est nécessaire de nous en remettre au Seigneur lui-même, source de toute unité : unité personnelle en Dieu, unité d’une communauté en Christ.

 

Que la semaine de prière pour l’unité des chrétiens nous accompagne vers l’unité au cœur de notre communauté. Recevons la lettre de Paul aux corinthiens, comme une exhortation aussi forte et solennelle que celle de l’Evangile : « Vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps ». Corps souffrant, mais aussi signe du corps ressuscité, le Christ

 

Puissions-nous entrer les uns et les autres dans un chemin de paix, celle de Dieu lui-même, accueillant l’appel à une conversion de soi-même pour une plus grande intériorité et disponibilité à l’Esprit. Puissions-nous le reconnaitre au partage de la Parole et à la fraction du pain.

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