Homélie du frère Didier Brionne, Ofm,
3ème dimanche Ordinaire année C - 23 Janvier 2022
Au cœur de la célébration eucharistique, la Parole de Dieu nous est donnée pour nourrir notre foi. Risquer quelques mots en lien avec l’Evangile du jour, c’est rappeler que Dieu nous parle et dit la manifestation de Jésus Christ à son peuple.
Dimanche dernier, l’épisode des noces de Cana montrait à tous le lien très fort établi par Jésus lui-même entre l’Ancien et le Nouveau Testament. La symbolique de la noce, avec l’appel à l’intervention de Jésus, dit la continuité d’une même Alliance entre Dieu et son peuple rassemblé pour ce repas.
Cette fois le cadre est différent, mais l’objectif semble pourtant le même : redire et montrer que Jésus ne supprime pas la première alliance mais l’accomplit, un seul et même Testament, Alliance qu’Il est venu la sceller dans le don de sa vie.
Le cadre de l’événement est religieux. Nous sommes à la synagogue, au cœur de l’office synagogal du jour du sabbat avec la lecture de la Parole. Jésus, membre à part entière du peuple juif et de la communauté liée à la synagogue de Nazareth, intervient, selon son habitude nous dit-on, comme lecteur et commentateur du texte du jour, un passage du prophète Isaïe.
L’annonce est forte et solennelle : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction » dit le prophète Isaïe. Cette annonce devient choquante pour certains, lorsque lui-même la commente et se l’attribue : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture que vous venez d’entendre ! ». Jésus se manifeste là comme l’envoyé du Père, le messie attendu, sur lequel vient l’Esprit. Tout au long de son ministère les tensions seront présentes, car ce sera sans cesse une remise en cause de sa prétention qui ira jusqu’à l’accusation de blasphème.
On aimerait pouvoir accueillir cette affirmation de Jésus sur lui-même dans une démarche de foi, d’accueil. N’invite-t-elle pas à placer notre confiance dans l’action de Dieu, celle du Père envoyant le Fils porter la Bonne Nouvelle du salut.
Au quotidien, nos yeux et nos oreilles, nos cœurs, préoccupés que nous sommes, sont empêchés de vivre cette attitude d’ouverture et d’accueil.
Comment garder confiance au vu des événements difficiles qui nous affectent ? Comment rebondir et se ressaisir dans la foi ? La tache est immense. Il nous est nécessaire de nous en remettre au Seigneur lui-même, source de toute unité : unité personnelle en Dieu, unité d’une communauté en Christ.
Que la semaine de prière pour l’unité des chrétiens nous accompagne vers l’unité au cœur de notre communauté. Recevons la lettre de Paul aux corinthiens, comme une exhortation aussi forte et solennelle que celle de l’Evangile : « Vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps ». Corps souffrant, mais aussi signe du corps ressuscité, le Christ
Puissions-nous entrer les uns et les autres dans un chemin de paix, celle de Dieu lui-même, accueillant l’appel à une conversion de soi-même pour une plus grande intériorité et disponibilité à l’Esprit. Puissions-nous le reconnaitre au partage de la Parole et à la fraction du pain.
Homélie du 4ème dimanche de l'Avent - Année C - 19 décembre 2021- Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté Dieu
Mi 5, 1-4a / He 10, 5-10 / Luc 1, 39-45
La rencontre de ces deux femmes, Marie et Élisabeth respire l’évangile à pleins poumons. Voyons comment.
La toute jeune femme ne se prend pas la tête d’être la première dans le choix de Dieu alors qu’elle n’est pas de la lignée d’Aaron comme sa cousine. Elle ne pense qu’à venir en aide à celle qui va bientôt accoucher et souffrir dans ses habitudes et son organisation domestique. Il n’est pas si simple d’être enceinte à son vieil âge. Ce qui est premier pour Marie, c’est Élisabeth et elle seule. Elle se précipite à son service. Allègrement !
On ignore comment Élisabeth a été informée de l’aventure de Marie et elle lui lance son action de grâce : « Tu es bénie entre toutes les femmes », jubilation que nos lèvres répèteront jusqu’à la fin du monde. « Que me vaut le bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi » ? Saint Luc, comme à son habitude, attribue au Saint-Esprit cette immense surprise. Élisabeth de grande lignée ne regarde pas la différence sociale avec cette pauvre petite jeunette et elle la couvre de louanges.
Chacune de ces deux femmes se place en seconde place. C’est l’autre qui est important.
On croirait entendre déjà Jésus : « Si quelqu'un veut être le premier parmi vous, qu'il soit votre serviteur ». « Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous ».
Nous savons que ces paroles ne sont pas simplement les propos d’un Sage fût-il Jésus. Elles illustrent l’essentiel de la vie de celui qui s’appelle « évangile ». Écoutons saint Paul aux chrétiens de Philippe.
« Comportez-vous ainsi entre vous, comme on le fait en Jésus Christ : lui qui est de condition divine n'a pas considéré comme une proie à saisir d'être l'égal de Dieu. Mais il s'est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes, et, reconnu à son aspect comme un homme, il s'est abaissé, devenant obéissant jusqu'à la mort, à la mort sur une croix. C'est pourquoi Dieu l'a souverainement élevé et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse, dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que le Seigneur, c'est Jésus Christ, à la gloire de Dieu le Père ».
L’itinéraire de l’évangile est toujours celui-là. C’est celui de l’amour en son début, avant la création du monde. Au tout début, le Père fait tout pour son Fils Bien Aimé qu’il constitue Premier-né d’une multitude d’enfants, chacun étant fils unique, à la vocation unique, sa raison d’être. L’une et l’autre de ces deux femmes voit au fond de l’autre sa vocation, sa place dans le cœur de Dieu et ne l’envie pas mais l’aime telle qu’elle. La priorité accordée à l’autre plutôt qu’à soi, c’est tout l’évangile, c’est tout Jésus-Christ. Les deux femmes sont déjà l’évangile à l’état pur.
Marie demeurera chez Élisabeth trois mois. Elizabeth est remplie de l'Esprit Saint et reconnaît en Marie, non plus seulement sa petite cousine, mais la femme choisie pour être la mère du Seigneur. Marie porte le Verbe de Dieu et Élisabeth exulte de sa foi « bienheureuse es-tu, toi qui as cru à l'accomplissement des paroles qui lui furent dite de la part du Seigneur ». Tu es la nouvelle arche d'alliance, consciente de son trésor que tu portes en toi.
En cette visitation de Marie avec Elizabeth va jaillir le Magnificat. Marie, une fille de quinze ans, originaire d'une bourgade de mal famés, entrevoit l'avenir : la culbute des puissants et la promotion des humbles ! Tremblez les dictateurs de tout poils !
Et nous ? Si nous vivions toutes nos rencontres comme une visitation ? Si nous laissions notre vie, notre foi, notre crèche intérieure à la présence de Dieu ? Et porteur de ce don de Dieu dans nos vies, quand nous allons à la rencontre de nos plus proches, les bons comme les méchants, si nous les rencontrions comme étant eux aussi porteur du don de Dieu. Alors, ce que nous portons de meilleur en nous, notre foi, nos dons, se mettraient à danser, à exulter, à tressaillir et à donner à voir le meilleur d’eux-mêmes. Et nous permettrions ainsi aux autres de donner le meilleur d’eux-mêmes. Et la vie serait une danse de personnes animées de l’intérieur par la présence de Dieu dans nos vies.
Ayons hâte de rejoindre l’autre qui n’est pas loin et qui a besoin de notre visitation. Faisons de nos rencontres, non pas seulement des visites, mais des visitations.
Homélie de la Solennité du Christ Roi - Année B - 21 novembre 2021- Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté Dieu
Dn 7, 7, 13-14 / Ap 1, 5-8 / jn 18, 33b-37
La clôture de l’année liturgique qui précède le premier dimanche de l’Avent nous fait anticiper l’accomplissement de notre existence. Aujourd’hui, le Christ, l’Oméga de toute la création, nous est présenté comme Celui qui est le Roi tant des univers que de nos cœurs. Rien à voir avec la royauté des hommes. Les insignes de son pouvoir sont la tunique du serviteur et la croix des suppliciés. N’ayant rien revendiqué pour Lui de ce qui le rendait égal à Dieu, vivant pour nous l’amour du Père, de la crèche à la croix, il a été élevé au-dessus de tout. Et sa royauté est éternelle.
Ce roi-là n’exerce pas sa puissance sur nous mais il l’exerce pour nous. Sa puissance est seulement celle de son amour. Pensons au Bon Pasteur qu’Ézéchiel nous avait déjà dévoilé : « Maintenant, j’irai moi-même à la recherche de mes brebis et je veillerai sur elles ».…
Ézéchiel ajoute : « Et toi, mon troupeau, apprends que je vais juger entre brebis et brebis ; entre béliers et boucs ».
« Juger entre », c’est faire une distinction, une séparation. C’est la façon d’agir de Dieu dès le commencement : au Livre de la Genèse, tout commence par un acte de séparation qui manifeste la façon dont Dieu exerce pour nous son pouvoir Créateur en nous délivrant de la confusion et en séparant ce qui est mortifère de ce qui est appel à la vie.
A la fin des Temps, nous dit l’évangile de Matthieu, Jésus séparera à nouveau. Cette fois-ci, ce sont les hommes et les femmes qu’il séparera les uns des autres en fonction d’un seul critère, celui de l’amour désintéressé envers le prochain. Créés dans le Fils, nous sommes faits pour être comme Lui. Nous sommes faits, chaque jour, pour nous recevoir du Père dans la dynamique de son Esprit-Saint. Nous sommes faits pour revêtir à notre tour la tunique de l’humble serviteur du Christ et, comme lui, nous allions chercher les brebis perdues de nos sociétés et en prendre soin. Volontairement et librement.
Ce jugement concerne toute personne. Mais qu’en est-il de ceux qui n’ont pas connu le Christ ? Ceux qui n’ont pas eu la chance d’entendre l’annonce de la Bonne Nouvelle ne peuvent proclamer la Seigneurie du Christ. Mais ce sont leurs œuvres de miséricorde en faveur des plus petits qui témoigneront pour eux et leur serviront de confession de foi. Quant à nous croyants, il est bon de nous rappeler qu’« il ne suffit pas de dire “Seigneur, Seigneur !” pour entrer dans le Royaume des cieux : il faut aussi accomplir la volonté du Père qui est aux cieux ».
Car le Christ nous rappelle l’exigence d’incarner notre foi dans un comportement fraternel cohérent, marqué par la gratuité et la vraie douceur. Parce que nous sommes les premiers bénéficiaires de cette gratuité dont Dieu fait preuve à notre égard. La pleine communion avec Dieu sera donc l’accomplissement de ce qui est déjà commencé dans nos cœurs quand nous entrons en solidarité concrète avec nos frères dans le besoin. Oui, dans la foi, nous espérons que la totalité de notre être, que toute personne et toute la création, tous, nous verrons Dieu. Et nous le verrons sous les traits de ceux auxquels il s’est identifié et vers qui il nous envoie : « Tout ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ». Car le Christ s’est identifié à « ces petits » qu’il appelle « ses frères » ; il s’est tellement uni à notre humanité et il est tellement concerné par le sort de chacun d’entre nous en particulier de ceux que la société laisse sur le bord du chemin de la vie… qu’il a donné sa vie pour chacun de nous.
Seigneur, toi qui as reçu le pouvoir de juger les vivants et les morts, augmente en nous la foi afin que nous accueillions sans réserve l’amour que tu as pour tout homme ; augmente en nous la charité afin que nous te découvrions et te servions dans les hommes nos frères ; augmente en nous l’Espérance afin que nous portions témoignage de ta bonté diffusive par le don de nos vies à ceux en qui tu te tiens caché. Et surtout, même si nos libertés sont blessées par le péché, donne-nous de ne jamais rejeter ni personne ni ton Évangile de Vie, le Christ, Roi Serviteur et Seigneur de nos vies… Le Christ en qui tous nous revivrons lorsqu’Il remettra son pouvoir royal à son Père qui lui a tout soumis, le Christ en qui tout sera achevé et par qui Dieu sera tout en tous.
Homélie du 25ème dimanche du temps ordinaire - Année B - 19 septembre 2021 - Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté Dieu
Sg 2, 12.17-20 / Jc 3, 16-4, 3 / Mc 9, 30-37
Tout ce week-end, avec Laurent Grzybowski, est un temps de réflexion et de méditation sur l’eucharistie. « Eucharistier ma vie » ! L'Eucharistie a retenu cette phrase pour la consécration : "la nuit qu'il fut livré, il prit du pain, il prit du vin". Il y a là quelque chose de scandaleux. La première eucharistie a lieu quand le Fils de l'homme est livré aux mains des hommes. Il sera arrêté, Jésus, le Prince de la Paix, le Fils de Dieu, le Créateur de toute vie ! « Condamnons-le à une mort infâme », dit la 1ère lecture, effaçons sa réputation. Voyons comment réagira l’homme de foi, tout rayonnant de l’amour qu’il a pour son Père et pour tous. Observons si quelqu’un interviendra pour délivrer ce juste de nos mains assassines.
Et Jésus, qui sait toute la pression qui est exercée sur lui et l’étau inéluctable qui va le réduire à néant, pose ce geste mémorial, juste avant d’être arrêté au jardin des Oliviers : la nuit qu’il fut livré, il prit le pain et le rompit, et prit une coupe et la donna à ses disciples en disant : « prenez, mangez et buvez, c’est mon corps livré pour vous, mon sang versé pour vous et pour la multitude ». Mon corps brisé, rompu comme le sera tout à l’heure le pain eucharistique brisé et partagé, pain qui retrouvera toute son unité dans la résurrection que mon Père fera lever en moi et en ce nouveau peuple. Il lui fera le don d’une espérance nouvelle, éternelle pour tous. Invités que nous sommes à la charité.
« Le fils de l’Homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera ». Les disciples, à l’annonce par le Christ de ce qui va lui arriver, ne se posent qu’une question : qui parmi eux est le plus grand. Ah, ces volontés de puissance, ce désir d’être le premier, de prendre ou de garder le pouvoir. Et Jésus de poser au milieu d’eux des enfants, les plus petits, ceux qui n’ont pas la parole parce qu’on ne la leur donne pas.
Laurent nous disait vendredi soir que parmi les 4 temps liturgiques de l’Eucharistie, le plus long est celui de l’envoi : il débute à la fin de cette Eucharistie jusqu’à dimanche prochain. Parce que pendant toute la semaine, nous pouvons autant chercher et adorer le Seigneur dans toutes nos tâches d’hommes et de femmes, et particulièrement dans les plus petits que nous rencontrerons tout autant que dans le pain et le vin eucharistique que nous allons recevoir des mains du Christ lui-même tout à l’heure.
Il a donné sa vie pour nous, pour les bons comme pour les méchants. Et c’est à la fraction du pain que nous le reconnaissons vivant, ressuscité. C’est à la fraction du pain, là où les toutes puissances déchaînent leurs activités, que nous accueillerons le Vivant pour faire de nous des vivants, le rompu pour faire de nous des créateurs de vrais liens, l’enchaîné pour faire de nous des libérateurs, le mort pour ressusciter, en lâchant toute forme de convoitises ou de pouvoirs pour entrer dans un vrai chemin d’humilité où nous deviendrons comme ces enfants que Jésus a mis à la première place.
Arrêtez le massacre, nous dit l’Écriture de ce jour ! Arrêtez de vous en prendre aux justes ! Rassemblez-vous, écoutez la Parole de Dieu, accueillez le corps du Christ donné, livré, rompu et ressuscité, allez vivre toute la semaine de l’Esprit du Ressuscité, notamment auprès des plus petits qui attendent la véritable espérance de l’Évangile. Qui plus est, ce sont eux, ces plus petits, qui réduiront vos volontés de puissance qui n’ont rien d’évangéliques. Ce sont eux qui deviendront vos maîtres pour suivre le Christ et faire de lui votre ami. Et Jésus de nous dire : si vous accueillez un de ces plus petits en mon nom pour lui donner un simple verre d’eau, c’est à moi, dit le Christ, que vous le donnez. Vous accueillerez alors mon Père qui vous a envoyés. Pour que Dieu ait en vous toute sa place.
Homélie du 16ème dimanche du temps ordinaire - Année B - 18 juillet 2021 - Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté Dieu
Jr 23, 1-6 / Ep 2, 13-18 / Mc 6, 30-34
Je voudrais vous partager l'espérance de ma Foi en Christ. Dans mes rencontres avec bon nombre d’entre vous, j'ai la joie de contempler combien les soucis qui sont parfois les vôtres n'éteignent pas votre espérance au plus profond du cœur, et que la vie continue à germer en vous.
Jésus est très dur envers les mauvais pasteurs qui enfoncent plutôt que d’aider. Je reste toujours blessé par ceux qui jugent trop vite, qui critiquent ceux qui font du bien ou ont font miséricorde envers autrui, ou ceux qui se méfient de celui est blessé, qui n’est pas dans la norme, ceux qui confondent service et pouvoir, ceux qui imposent des fardeaux à ceux qui sont déjà accablés, des fardeaux qu’ils ne sont pas même capables de toucher un tant soit peu… Ceux qui agissent ainsi, Jésus les critique très sévèrement. En même temps, il est essentiel de montrer envers eux beaucoup de miséricorde, comme Jésus sait le faire car ce sont eux-mêmes des pauvres qui n’ont pas encore assez visité leurs propres difficultés et qui n’ont pas assumé ce qui en eux est trouble.
Vous savez, je suis devant vous comme un homme qui a fait l’expérience d’être sauvé gratuitement et d’être pardonné indépendamment de mes limites et de mes atouts. C’est le plus important dans ma vie. Je suis profondément marqué par la compassion de Dieu manifestée en Jésus-Christ. Chacune de mes rencontres avec vous me fait toucher du doigt, pour moi comme pour chacun de vous, l'amour que Dieu a pour nous. Pour vous, pour moi. Un amour actif, réel. Un amour qui prend chacun de nous au sérieux. Un amour qui relève, qui guérit, qui pardonne et qui redonne notre vraie dignité de fils de Dieu. Que de fois nous pouvons perdre cette belle dignité en faisant le mal. Mais Jésus a donné sa vie pour chacun de nous, les bons comme les méchants, afin de nous restituer notre identité de fils perdu... perdu par nos errances. Il ne nous enferme jamais dans notre passé, mais il ré-ouvre toujours notre avenir quand nous le fermons ou que d’autres le ferment pour nous.
Le Christ est entré définitivement dans ma vie. Aussi, sans restés emprisonnés dans notre passé, nous pouvons faire toute chose nouvelle, commencer à regarder le présent d'une autre manière, avec une nouvelle espérance. Nous ne restons pas bloqués dans ce qui est arrivé. Même si parfois nous souffrons beaucoup, nous pouvons trouver la force de repartir parce que nous regardons le visage de Jésus crucifié qui fut aussi arrêté et emprisonné mais qui a continué d’aimer dans cette situation terrible, peut-être comme la nôtre.
Pierre et Paul, et tant d’autres disciples du Christ, ont été prisonniers, privés de la liberté. On a cherché à les évincer, voire même à les faire périr. La prière et la solidarité les ont soutenus et ils ne sont pas tombés dans le désespoir. Ils ont continué à prier et à servir les plus déshérités. Comme vous le faites certainement. Et cela nous appelle à continuer à marcher.
Chacun de nous a une place unique dans le regard du Christ, le Bon berger. Nous pouvons lui confier nos blessures, nos douleurs et nos fautes pour qu’elles soient portées sur ses épaules, qu’elles soient soignées et qu’il re-suscite notre existence. Il est mort pour moi, il est mort pour nous, pour nous relever et nous ressusciter.
Si notre péché nous replie sur nous-mêmes, le Christ nous réintègre dans sa dignité de fils et de fille de Dieu. Bien sûr, la souffrance, les persécutions, les situations angoissantes peuvent nous faire souffrir au point de rendre notre cœur si douloureux, voire de nous faire douter. Mais avec notre Bon pasteur, luttons contre le mal pour aller de l'avant. Plongeons-nous dans la prière, osons devenir frère avec tous. Entraidons-nous le plus possible.
Notre mission commune est de relever et non d'abaisser, de donner la dignité et non d'humilier, d'encourager et non de causer de la peine. Ce sont les pasteurs que le Christ attend.
Homélie du 15ème dimanche du temps ordinaire - Année B - 11 juillet 2021 - Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté Dieu
Am 7, 12-15 / Ep 1, 3-14 / Mc 6, 7-13
Ouverture :
C'est le dimanche de l'envoi. Va, dit le Seigneur à Amos en le faisant prophète. Jésus envoie les Douze. Il nous envoie. Pour dire quoi ? Une bonne nouvelle, toutes les merveilles dont le Père nous a comblés en Jésus. A notre tour, nous sommes envoyés : Allez, vous aussi, vous dirai-je au nom de Dieu, à la fin de la messe.
Homélie :
Amazias, prêtre de Béthel, dit au prophète Amos : « Va-t-en d'ici et exerce ton métier de prophète ». Mais Amos répond à Amazias : ‘Je ne suis pas prophète ; je suis bouvier et je soigne les figuiers’. Cependant il ajoute : « le Seigneur m'a saisi quand j'étais derrière le troupeau, et c'est lui qui m'a dit : 'Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël' ».
Amos est un homme fruste mais droit. Il n’abandonne pas son métier pour un intérêt personnel, mais pour le Seigneur qui l'a saisi, qui l’a enthousiasmé. Dieu est devenu pour lui Celui qui peut le mobiliser entièrement. En se laissant saisir par Dieu, Amos devient plus libre puisqu’il ouvre ainsi l’espace de sa tente aux dimensions infinies de Dieu.
Comme Amos, les Douze sont appelés. Leur appel, c'est aussi le nôtre. Je vous propose donc d'en repérer quelques caractéristiques qui pourront peut-être nous aider à vivre ce temps de vacances estivales de manière plus évangélique.
1°) Dieu nous précède : Il se révèle à nous quand nous lui laissons un espace. Nous pouvons nous laisser saisir par sa présence pour découvrir combien Il rend heureux.
Dieu nous choisit, "pour être avec lui", pour partager sa vie et témoigner combien Il aime les hommes. La mission trouve donc son origine dans le cœur de Dieu. C’est à la sainteté que nous sommes appelés, celle de devenir ses amis. Profitons de cette période estivale pour entretenir notre amitié avec le Seigneur en prenant du temps pour être auprès de lui, gratuitement.
2°) Jésus appelle douze disciples : douze, pour marquer la naissance d'un nouveau peuple, l'Eglise. Il les envoie deux par deux car, selon le droit juif, deux au moins sont requis pour que leur témoignage soit valable. C’est l’amour des frères qui témoigne, pas des personnes seules. Durant cet été, nous aurons sans doute l’occasion de raviver notre sens de l'Eglise en rencontrant des chrétiens qui essaient de vivre leur foi dans un contexte différent du nôtre, en découvrant d'autres communautés, nous préparer peut-être à entendre à la rentrée de nouveaux appels et contribuer à la vitalité de notre Eglise, le corps du Christ et en particulier au service des membres les plus blessés de ce Corps.
3°) Jésus a toujours l'initiative : il appelle et il envoie. Et c’est pourquoi nous recevons une force qui ne vient pas de nous. Nous ne donnons que ce que nous recevons, notamment grâce à cette intimité avec le Christ. Nous ne parlons bien du Christ qu’en le fréquentant au quotidien. Avant qu’ils ne partent, Jésus donne aux disciples des consignes : n’emporter pour la route que le strict nécessaire. La simplicité des moyens aide les disciples à se désapproprier la mission qui leur est confiée : ce n'est pas leur affaire, mais celle de Dieu. Car nous croyons en la force de l'Evangile lui-même. Profitons de ces vacances pour nous désencombrer du superflu. Puisse cette page d'évangile nous aider à remettre dans notre vie chaque chose à sa juste place, et en ne nous trompant pas de richesses.
4°) Et quand vous avez trouvé l'hospitalité dans une maison, restez-y jusqu'à votre départ. Mais sachez aussi que l'échec vous attend. La mission du Christ comprend la lutte, le combat à bras-le-corps avec les forces du mal. Les esprits mauvais d'aujourd'hui ont peut-être d'autres noms que ceux d'hier : ils s'appellent peut-être : égoïsme des individus et des nations, racisme et xénophobie, mépris ou simplement ignorance des plus petits, rancune ou désir de vengeance... Quoiqu’il en soit, ils restent toujours à combattre et nous avons l’assurance que Jésus nous donne les armes de la victoire.
Ils se convertirent, ils partirent pour inviter d’autres à la conversion. Littéralement changer de direction, reprendre le juste chemin du Christ. C’est ce que François d’Assise a fait, précisément en entendant cet Evangile et le en mettant séance tenante en pratique. C’est ce à quoi nous serons appelés à la fin de cette célébration quand, au nom de Dieu, je vous dirai : Allez dans la paix du Christ !
Rappelons-nous les quatre invitations d'aujourd'hui pour notre été :
1°) l’invitation à une plus grande intimité du Seigneur dans la prière,
2°) l’invitation à une participation plus active à la vie de l'Eglise,
3°) l’invitation à poser quelques gestes concrets qui attestent de la puissance d’amour de l’Evangile,
4°) l’invitation enfin à ordonner notre vie en la centrant sur l'essentiel qu’est l’Evangile : "là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur !"
Homélie du 12ème dimanche du temps ordinaire - Année B - 20 juin 2021 - Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté Dieu
Jb 38, 1.8-11 / 2 Co 5,14-17 / Mc 4,35-41
"Passons sur l’autre rive."
Après avoir prêché en paraboles, sur la barque qui sert de porte-voix, Jésus invite ses disciples à mettre la parabole en acte. Il fait sombre, les disciples s’embarquent sur une parole de foi et la barque navigue vers l’autre rive, vers la rive de la foi, vers la rive du "qui est-il donc ?"
Jésus, Parole vivante, est embarqué avec eux dans cette traversée de la mer pour les ouvrir à la paix d’une vraie traversée intérieure.
Pour les Hébreux, la mer est le repère des démons, des forces du mal, des dragons de l’angoisse et de la violence. Les monstres qui dévorent la vie et la joie veulent engloutir la fragile barque de la Parole.
Et Jésus dort !
Si nous croyons qu’il est absent et qu’il nous abandonne, il s’abandonne en fait à son Père en se reposant en Lui. Ne dira-t-il pas sur la croix : "Père, entre tes mains je remets ma vie."
Réveillé, il commande à l’ouragan de la mort : "Silence, tais-toi !"
S’il parle, c’est pour faire pour faire jaillir la vie et la paix, comme au matin de la création, là où ce n’était que tohu bohu. Du sommeil dans la tempête, signe de mort, Jésus se réveille : c’est déjà la résurrection.
Alors il se fait un grand calme. Le gouffre de la mort devient un berceau. Comme avec Moïse, la mer s’ouvre en chemin de libération. Le passage devient Pâques. L’autre rive est celle de la Résurrection.
"Passons sur l’autre rive."
Jésus ne dit pas : "passez" mais "passons", ensemble.
La barque devient tabernacle de la Parole aventurée dans les cyclones de l’Histoire et de la vie. C’est l’Église, vaisseau ballotté, toujours abîmé mais toujours réparé. L’Église, en elle repose la Parole de vie.
"Passons sur l’autre rive."
Oui. Mais "qui est-il donc" celui qui invite passer et fait taire la mer ? Qui est-il quand, dans les épreuves de la vie, un passage s’ouvre en nous. Un passage qui nous secoue bien sûr mais qui nous offre la paix.
La Parole nous réveille et impose silence à nos rêves et cauchemars sur Dieu.
Car l’autre rive, c’est aussi nous. Et la parole nous traverse dans tous nos retranchements.
Son glaive tranchant déchire les fantômes rugissants et les fantasmes déferlants, qui hantent nos images de Dieu.
"Silence, tais-toi !" crie Jésus au mensonge qui nous porte pour mieux nous noyer. Pour qu’advienne la paix.
"Qui est-il donc", celui qui fait taire toutes les forces de la mort ?
C’est la question de la foi qui nous traverse au cœur de nos tempêtes. C’est la question de Dieu qui surgit quand nous posons la question de l’homme. C’est Dieu qui nous appelle quand nous l’interrogeons dans nos peurs.
La Parole est toujours dans la barque, mais elle prend corps en nous quand nous partons la chercher sur des rives lointaines, sur la rive de l’autre, sur notre propre rive. Notre corps devient barque, radeau de sauvetage, tabernacle, où la parole de Dieu vient clouer nos démons intérieurs et ouvrir l’espace de notre tente pour témoigner de la paix qu’est Dieu.
Nos idoles et nos dragons intérieurs, même s’ils demeurent, restent tapis en silence. Et dans ce silence, nous pouvons entendre le murmure de la Parole qui nous offre la paix.
Peureux, nous traversions la vie… et voilà que la vie nous traverse nous rendant heureux.
"Qui est-il donc ?"
Il est le vivant qui nous donne la vie du Père. Le vivant qui nous arrache aux griffes de la mort pour nous conduire au rivage où le Père nous attend.
Amis, quels que soient vos tempêtes et peut-être vos naufrages, passez, avec Jésus, sur l’autre rive. Elle est habitée par le Père.
Jésus ressuscite votre foi et libère en vous la joie…
Jusqu’à l’heure de passer, au soir tombant, sur l’autre rive de la vie.
Solennite du Saint Sacrement – Année B – 6 juin 2021 - Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté-Dieu
Parler des réalités du Royaume est délicat, et c’est pourquoi le Christ en parle surtout en paraboles. Cela l’est davantage lorsqu’il s’agit du Corps du Christ qui jette un défit à notre raison. Au temps de Jésus, déjà, l’incompréhension était totale avec cette fausse interprétation anthropophage du corps du Christ.
Écartons-la définitivement de nos esprits pour remarquer qu’à la Cène, l’évènement que ce repas central évoque, la Pâque du Seigneur, n’avait pas encore eu lieu. La mort et la résurrection de Jésus n’auront lieu qu’ensuite. Et Jésus dit bien : « Ceci est mon corps », « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, répandu pour la multitude ». Les Apôtres ont bien communié au corps et au sang du Christ avant l’événement qu’ils étaient sensés célébrer. C’est donc que le Christ invite ses disciples à partager un repas nuptial, le repas des noces de l’agneau, celles de l’alliance définitive entre Dieu et son humanité bien-aimée, d’une radicalité toute nouvelle. C’est une initiative de Dieu qui aime le premier quand Jésus-Christ donne sa vie pour chacun de nous. C’est une véritable union cosmique, physique, spirituelle, concrète avec notre humanité, un « admirable échange ». Dieu réellement -en Jésus-Christ- s’unit concrètement avec son humanité réelle. Il nous invite à lui faire totalement confiance comme il nous fait confiance dans le don de la vie du Christ à chacun de nous.
C’est dans la foi au Christ que saint François dit dans une de ses admonitions :
« Pourquoi ne pas croire au Fils de Dieu ? Voyez chaque jour il s’abaisse, exactement comme à l’heure où, quittant son palais royal, il s’est incarné dans le sein de la Vierge ; chaque jour c’est lui-même qui vient à nous, et sous les dehors les plus humbles ; chaque jour il descend du sein du Père sur l’autel entre les mains du prêtre. Et de même qu’autrefois, il se présentait aux saints apôtres dans une chair bien réelle, de même se montre-t-il à nos yeux maintenant dans du pain sacré. Les apôtres lorsqu’ils le regardaient de leurs yeux de chair, ne voyaient que sa chair, mais ils le contemplaient avec les yeux de l’esprit, et croyaient qu’il était Dieu. Nous aussi, lorsque de nos yeux de chair, nous voyons du pain et du vin, sachons voir et croire fermement que c’est là, réels et vivants, le Corps et le sang très saints du Seigneur ».
Il poursuit dans son pater paraphrasé : « Donne nous aujourd’hui notre pain de ce jour, ton Fils bien-aimé, notre Seigneur Jésus-Christ, pour que nous puissions nous rappeler, mieux comprendre et vénérer l’amour qu’il a eu pour nous et tout ce que pour nous il a dit, fait et souffert ».
La fête du corps du Christ, c’est bien ce repas nuptial, sacré et fraternel, qui célèbre le don total de Jésus-Christ à son humanité, son épouse mystique, avec laquelle il scelle une Alliance éternelle. Tout dans cette fête est un hymne à l’amour premier de Dieu qui appelle le nôtre. Le sang de l’Alliance. Qui nous libère totalement.
C’est encore François qui disait à tous les hommes : « Que vous reçoive tout entiers Celui qui se donne à vous tout entier ».
On ne peut que s’émerveiller devant le trait de génie de Jésus-Christ lorsqu’il inaugure ce premier repas réel, concret, total. Car avant que son amour ne le conduise par son don au sommet de la croix, il lui restait ce souci qui hante toux ceux qui s’aiment : la permanence de la présence au bien-aimé. La foi de l’Église ne s’est pas trompée lorsqu’elle a créé le terme de présence réelle dans la présence eucharistique. La fine fleur de l’amour, c’est la présence. En aimant les siens, Jésus veut assurer cette présence jusqu’à la fin des temps. « Moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin des temps ».
Je suis invité à entrer dans cette Alliance-là, en donnant à mon tour l’essentiel de ce que je suis, quitte à devenir ce pain rompu par la folie de ceux qui refusent d’entrer dans ce chemin d’alliance et qui me feront disparaître. Comme l’hostie disparaîtra de nos regards après la communion. Mais elle retrouvera toute sa puissance d’amour dans la charité des frères qui, une fois le repas de la Cène terminé, se retrouveront au coude-à-coude avec les hommes nos frères sur la terre de cette vie. Alors leur charité sera cette présence réelle du Christ éternellement vivant au milieu des hommes.
Comme les noces de Cana l’avait annoncé prophétiquement, la noce peut se poursuivre alors dans notre pâte humaine et le repas ne manquera ni de pain, ni de vin, ni du sel de l’amour.
Homélie du 6ème dimanche de Pâques – Année B – 9 mai 2021 - Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté-Dieu
Nous ne pouvons pas échapper à l’étonnement d’entendre parler de l’amour en termes de commandement : deux mots antinomiques. On n’aime pas sur ordre. Et pourtant tout le discours après la Cène chez saint Jean associe amour et commandement avec une insistance à la limite du supportable. Je pense qu’il y a là une véritable théologie spirituelle. Laquelle ?
Au départ il faut se débarrasser du sens immédiat de commandement comme synonyme d’ordre. C’est tout le contexte qui nous en avertit. On n’aime pas sur ordre. Jésus essaye de nous parler de son amour commandement en termes qui ne nous sont pas familiers. Il nous révèle trois regards : d’où vient cet amour, le but qu’il poursuit et quel est son modèle.
D’où vient cet amour ? Une chose est sûre, il ne vient pas de nous. Si l’on parle de commandement, c’est que cet amour-là jouit d’une grande autorité. On voit bien les personnes qui ont une vraie autorité : elle ne vient ni de leurs titres ni de leur posture : elle vient de leurs capacités à aimer vraiment l’autre pour lui-même, à le servir et de le faire se lever. C’est un amour qui vient d’ailleurs et personne ne peut se l’approprier. Sinon on n’aurait pas parlé de commandement, mais d’initiative personnelle sans référence à une autorité. Or cet amour-là vient d’une source : « comme mon Père m’a aimé, moi je vous ai aimé ». Personne au monde ne peut prétendre l’avoir inventé, il vient directement du Père, le Dieu unique. Le terme de commandement a donc d’abord un sens mystique, il émane d’une expérience spirituelle éprouvée. Celle d’un Absolu qui s’incarne dans une vie d’homme. Voilà d’où vient cet amour.
Le but qu’il poursuit : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » C’est parfaitement clair : le but du commandement n’est pas la contrainte, l’oppression, la peur, le fait de créer une angoisse morbide. Bien des personnes en portent les cicatrices. Jésus est venu pour être notre ami. Pour faire vivre à l’exemple de saint Pierre qui fait se lever les autres. Est-ce que je suis de ceux qui mettent debout les autres ? Jésus qui commande n’est pas venu pour juger, mais pour sauver ce qui était perdu. Pour que nous portions du fruit. Le fait de se présenter doux et humble de cœur, de faire voir sur son visage le visage du Père, d’appeler chacun par son nom et de l’inviter à sa suite, tout cela c’est pour nous conduire là où la joie est sans ombre. Jésus ne parle pas pour faire marcher au pas cadencé, mais pour s’avancer, et nous avec lui, vers Celui qui l’a créé pour être heureux comme le Premier-né est heureux depuis toujours et pour toujours d’être ami de Dieu.
Le modèle : Le mot « comme » revient plusieurs fois, c’est une forme d’insistance. « Comme le Père m’a aimé, je vous ai aimés ». « Demeurez dans mon amour comme moi j’ai gardé les commandements de mon Père ». Aimez-vous les uns autres comme je vous ai aimés ». Le modèle de nos relations, c’est la relation entre le Fils avec son Père, c’est celle de Jésus avec les siens. Elle sert d’étalon pour mesurer la relation de chacun de nous avec le Christ et avec les autres. Et pourquoi cela ? Parce que nous sommes habités par l’amour qui va du Père vers le Fils et du Fils vers tous. C’est un unique Esprit, un amour est indivisible. Obéir, ce n’est donc pas obtempérer à un ordre précis et limité, « fais ceci et cela », c’est suivre le mouvement intérieur d’un unique amour venu d’ailleurs. Être avec le Christ comme un ami est avec son meilleur ami. Il n’y a là ni subjectivisme ni relativisme, mais communion à une présence devenue si familière qu’elle engage à une fréquentation assidue. Cette obéissance évangélique est parfaitement originale et ne se compare à aucune autre. Et quand nous l’oublions, nous en payons très chèrement le prix.
Nous sommes donc appelés à vivre de cet amour qui vient de Dieu, parce qu’il vise à notre vrai bonheur, de la manière même dont le Christ le vit avec son Père, dans l’Esprit Saint.
« Dieu très haut et glorieux, viens éclairer les ténèbres de mon cœur. Donne-moi une foi droite, une espérance solide et une parfaite charité. Donne-moi de sentir et de connaître, afin que je puisse l’accomplir, ta volonté sainte qui ne saurait m’égarer. Amen »
Homélie du 2ème dimanche de Pâques – Année B – 11 avril 2021 - Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté-Dieu
Nous citons souvent cet évangile pour justifier notre incrédulité : « Voyez, disons-nous, saint Thomas a douté, donc notre incrédulité est légitime ». Ceci ne me paraît pas juste car l’Évangile ne justifie jamais l’incrédulité : au contraire, il provoque à la foi, il est au service de la foi. Il faut aller chercher ailleurs.
Nous sommes au chapitre 20 de l’Évangile de saint Jean. Le 21ème chapitre est une rajoute postérieure. Notre Évangile de ce jour est donc la conclusion de saint Jean. C’est dire qu’à partir de maintenant la foi change de statut : la foi ne s’originera plus dans une apparition de Jésus comme cela se passait jusque maintenant. Rappelons-nous que saint Paul disait que Jésus était apparu à plus de cinq cents frères dont la plupart étaient encore vivants. Il écrivait cela en 56. Or l’Évangile de Jean est très éloigné de cette période et il ne doit plus rester de ces témoins oculaires lorsque Jean conclut son livre. Nous sommes désormais entrés dans une autre période où la foi va se transmettre sans l’appui de témoins oculaires. Ce sera comme saint Paul l’avait déjà perçu une transmission « de la foi à la foi » Romains 1/16-17. Désormais c’est la Parole qui est première, l’Évangile dans toute sa puissance, passant d’un croyant à un autre croyant par le témoignage du cœur. Alors, oui, bienheureux ceux qui croiront sans avoir vu puisqu’il n’y a pas d’autre manière d’accéder à la foi que par la parole. Ne pas faire confiance à la parole de foi, c’est s’exclure de la foi et c’est grave pour saint Jean.
Quel va être maintenant l’itinéraire de la foi ? Il me semble que saint Paul nous propose une voie originale dans la première lettre aux Corinthiens au chapitre 13 :
« Lorsque j'étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant. Devenu homme, j'ai mis fin à ce qui était propre à l'enfant. A présent, nous voyons dans un miroir et de façon confuse, mais alors, ce sera face à face. A présent, ma connaissance est limitée, alors, je connaîtrai comme je suis connu. Maintenant donc ces trois-là demeurent, la foi, l'espérance et l'amour, mais l'amour est le plus grand. »
La clef de la foi c’est l’amour. C’est donc par l’amour que la foi va passer de l’un à l’autre. Pour percer le mur de l’incroyance, il est nécessaire qu’un croyant passe le témoin à un autre en état de soif et de faim. L’amour jouit de ce privilège d’être voué à l’éternité. Il ne sera jamais usé par le temps. Il sera toujours présent pour permettre à la vie de vaincre les obstacles.
Il permettra de se passer des apparitions. Ceci est vérifié par l’histoire : la foi a connu bien des épreuves, mais l’amour des saints a assuré sa pérennité. Elle est passée de l’état d’enfant au temps des apparitions à l’état d’adulte, celui où l’amour la maintenait en vie.
Ceci devrait nous faire réfléchir à notre responsabilité dans l’évangélisation actuelle. Dans ce monde sécularisé, la transmission de la foi ne peut se faire qu’avec beaucoup d’amour. Seul l’amour a ce privilège de faire apparaître vivant celui qui est mort par amour et qui est vainqueur de la mort. Mais si la foi transmise par les apparitions a dû être patiente devant les réticences des hommes la foi transmise par l’amour n’échappe pas à cette règle, il lui faut aussi vivre l’espérance. La foi est une foi en une personne qui aime. Les chemins de la foi sont déconcertants et heureusement que l’une des vertus de l’amour c’est la patience. Comme le fait remarquer Paul dans la 1ère aux Corinthiens :
« L'amour prend patience, l'amour rend service, il ne jalouse pas, il ne plastronne pas, il ne s'enfle pas d'orgueil. Il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout. »
Dans un monde qui veut tout et tout de suite, que nous partagions la patience de Dieu qui fera ses preuves. Avec l’entêtement de l’amour.
Homélie du 5ème dimanche de Carême – Année B – 21 mars 2021 - Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté-Dieu
Jr 31, 31-34 / He 5, 7-9 / Jn 12, 20-33
« Au plus profond » : tel me semble être le fil conducteur de ces trois lectures. Au plus profond de vos cœurs, je mettrai ma Loi et mon alliance. Au plus profond du réel, le Christ est descendu. Au plus profond de la Trinité, le Christ attire chacun de nous.
La lecture du prophète Jérémie montre que le Seigneur souhaite faire passer son peuple d’une alliance extérieure au cœur de l’homme à une intériorisation. Si j’obéis à un code, quel qu’il soit, sans que j’en connaisse les motivations les plus profondes, mon alliance ne durera pas ; cela n’en sera que de la pure observance ou du volontarisme. On sait bien que cela ne dure pas parce qu’épuisant, pour soi comme pour les autres. Au contraire, une nouvelle alliance est proposée par notre Dieu pour qu’elle nous conduise à aimer librement et sans contrainte ; Augustin ne disait-il pas « aime et fais ce que tu veux ». Aujourd’hui, notre époque a tendance à dire : « je fais ce que je veux ». Pour être libre, il faut en payer le prix et aimer d’abord. Avec le Christ, je n’accomplis pas ce qui est juste pour être aimé, mais c’est parce que je me laisse aimer que je puis à mon tour aimer et accomplir ce qui est juste. Descendre jusque-là, au plus profond de mon cœur, de mes motivations réelles, jusqu’au très bas de moi-même, le plus enténébré ; et là, me laisser irradier des rayons d’amour de Dieu, notamment de ce pardon, ce don au-delà de toute ma mesure propre.
Quant à la lettre aux Hébreux, il nous est dit que le Christ s’est soumis à tout et c’est pourquoi il a été exalté. Cela ne nous rappelle-t-il pas saint François qui, dans sa règle aux frères, invite les frères à être soumis à tous, à faire du bien et rappeler qu’il n’y a de Très-Haut que notre Seigneur. Etre soumis à tout n’a pas bonne presse aujourd’hui après des siècles où le libre arbitre de l’homme a été autant valorisé et après des siècles d’oppression. Mais libre arbitre n’est pas faire ce qu’on veut, mais se mettre à l’écoute du réel, de son réel propre, mais aussi celui des autres, de ceux avec qui je vis ou travaille ; être soumis, je dirai plutôt être mis sous, placés sous le regard d’un autre que soi. C’est bien différent d’être à son compte, totalement indépendant, ne dépendre en rien des autres. Mettre sa vie sous le regard de Dieu, c’est se mettre en état de recevoir ce qu’on ne peut pas se donner soi-même, à savoir la vie de Dieu. Même le Christ ne pouvait se donner la vie de son Père tout seul et il a bien fallu qui se soumette en tout, jusqu’à l’épreuve de la contradiction, des jalousies, des forces du mal et même de la mort, pour recevoir ce qu’il ne pouvait se donner tout seul : la vie éternelle de son Père. Oui, Christ est allé au plus profond de notre humanité, en la traversant sans retour sur lui-même, en l’assumant sans pécher, en aimant sans les haïr ses ennemis. Il en a été exalté, ressuscité et ainsi devenu la source de la vie éternelle.
L’Evangile de Jean est dans la même veine. « Nous voudrions voir Jésus », disent les grecs à Philippe. Et Jésus de répondre : chaque fois que ce grain de blé tombé en terre accepte de mourir pour porter beaucoup de fruits. Les fruits d’un amour qui se donne et ne revendique rien pour lui ; les fruits d’un amour qui sert les autres et ne cherche pas sa gloriole personnelle. Les fruits d’un amour qui préfère écouter plutôt que d’imposer ses vues à l’autre. Celui qui se détache de ses idoles pour entrer dans une plus grande liberté. Les fruits d’un amour qui accepte de perdre pour gagner les autres à la cause de Dieu. Les fruits d’un amour qui pardonne pour casser le cercle infernal de la violence. Les fruits d’un amour qui suit le Christ pour entrer dans le Royaume de Dieu. Oui, c’est là, au plus profond, que nous voyons Jésus. Une démarche si dure au point que Jésus lui-même a désiré que son père lui fasse échapper à cette heure. Mais conviés avec le Christ à traverser au plus profond notre existence jusqu’au service gratuit et au don de soi-même, en particulier pour ceux qui font le mal et qui vous persécutent et pour lesquels le Christ nous demande de prier, là, et là seulement, l’homme accède à sa véritable dignité de créature de Dieu.
C’est comme cela que le Christ a pu jeter dehors le prince de ce monde et a ouvert la voie qui lui permet de nous attirer, nous et tous les hommes : « quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes ». Tel un aimant parce que nous aimant parfaitement. A nous d’avoir la bonne polarité évangélique pour nous laisser aimanter vers l’amour qu’est Dieu.
Homélie du 2ème dimanche de Carême – Année B – 28 février 2021 - Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté-Dieu
Gn 22, 1-2.9-13.15-18 / Rm 8, 31b-34 / Mc 9, 2-10
En plein milieu du désert, en plein milieu du carême, le peuple de Dieu marche sans trop savoir où aller. Sans avoir vu Dieu, il sait qu’il est parti en ayant mis sa confiance dans la Parole de Dieu adressée au prophète Abraham : « Va vers le pays que je t’indiquerai ». Il est parti, il a quitté ses terres et ses habitudes, il a laissé ce qu’il aimait le plus, abandonné tout ce qu’il avait en propre, en propriété, pour aller à la quête du Royaume de Dieu, à la quête d’une terre promise où coulerait le lait et le miel, le bonheur de Dieu.
Après avoir erré sans aucun point de repère, sans certitude, voilà qu’une oasis se profile à l’horizon. Voilà qu’au plus chaud de la soif, un lieu de rafraîchissement est donné. Seuls, à l’écart sur une montagne, au cœur de nos déserts, de nos nuits et de nos désespérances, là où nous n’avions plus aucune espérance, au cœur de nos refus d’aimer et de nos profondes désillusions, là, Dieu se donne. Il se donne pour transfigurer notre réalité en une réalité divine. C’est toujours la même réalité, mais notre regard est transformé. Un peu comme deux personnes qui se découvrent s’aimant et tout devient autre !
Le Christ vient de subir de façon victorieuse toutes les tentations d’appropriation. Il vit dans sa chair l’itinéraire de ce peuple qui erre dans le désert à la quête de sa véritable espérance. Et c’est au cœur de cette montée vers la montagne de sa Pâque que le Christ va donner à ses disciples, de la part de Dieu, la révélation qu’Il est Fils de Dieu, qu’Il est sauveur, qu’Il est but et finalité de toute vie d’homme et de femme, qu’Il est la terre promise de toute existence. Le Christ se révèle dans toute sa splendeur éternelle. Il est germe et fécondité de toute vie, puissance de résurrection au cœur des forces mortifères.
Dans la première lecture, cette descendance est promise par Dieu à Abraham, et à chacun d’entre nous, comme le fruit d’un long itinéraire, celui de toute une vie. Pour Abraham, Dieu demande de sacrifier Isaac, son fils unique. Ce qu’il a de plus cher ! Dieu n’est pas un Dieu pervers. Il demande, pour ceux que nous engendrons, à tous nos projets, de ne pas nous les approprier. Car, quand nous enfermons l’autre ou notre projet dans notre seul regard et si nous ne faisons pas le sacrifice de la possession de notre enfant, de notre projet, nous l’empêchons de devenir ce qu’il est, voire de l’empêcher de vivre. Réduire l’autre à son image, c’est l’empêcher d’évoluer et même de vivre. Dieu nous appelle à rendre aux autres un lien neuf qui n’est plus un lien propriétaire, pour engendrer en eux leur liberté de donner le meilleur d’eux-mêmes. Il en va de la beauté de toutes nos relations, professionnelles, associatives, amicales. Accepter de sacrifier la possession qu’on a de soi, de l’autre et même de Dieu, c’est rendre sain - S.A.I.N -, et donc saint - S.A.I.N.T -, toute relation. C’est permettre d’engendrer la vie là où le lien était devenu possessif et donc stérile. Cette désappropriation se conjugue alors avec une grande disponibilité : « Me voici », dit Abraham ou tout serviteur de Dieu : « Parce que tu n’as pas refusé ton fils, ton fils unique, [disons ce à quoi tu tiens le plus], je te comblerai ». « Je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer ».
« Dieu lui-même, nous dit saint Paul, n’a pas refusé son propre Fils : il l’a livré pour nous ». C’est dire qu’Il s’en est désapproprié. Et cela est source de vie pour nous, c’est source de résurrection : là même où il y avait des sources de mort, de stérilité, là-même advient la vie, la renaissance.
Les apôtres, chacun de nous avons bien du mal à comprendre cela : « Plantons ici trois tentes ». Nous sommes mieux dans cette oasis que dans l’inconnu du désert. Nous préférons la sécurité de l’image que nous nous faisons des autres à la liberté qui consiste à risquer sa vie, à risquer sa relation. Tant et tant de personnes préfèrent la sécurité au risque de la liberté, car la vraie liberté dérange ceux qui ne s’y sont pas risqués. Le Christ, en cet Évangile, nous montre que dès l’instant qu’on désire s’arrêter sur une oasis, la plénitude obtenue disparaît ; si l’on s’arrête au Fils transfiguré à sa réalité divine sans accepter le passage par le réel de la vie dans la plaine, c’est aller dans une impasse. C’est donc délivré de ces liens de possession que chacun d’entre nous aura la possibilité de poursuivre son itinéraire que personne ne fera à notre place.
Homélie du 5ème dimanche du temps ordinaire – Année B – 07 février 2021 - Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté-Dieu
Jb 7, 1-4.6-7 / 1 Co 9, 16-19.22-23 / Mc 1, 29-39
Ces trois lectures nous invitent à nous tourner spécialement vers les plus démunis avec un cœur élargi, par un surcroît de solidarité et de manière franciscaine.
Quand Job prend la parole dans la 1ère lecture, cela nous semble tellement contemporain. Il décrit la vie de l’homme comme une corvée, avec ses jours d’ombre et ses cauchemars. Nous y retrouvons la situation de tant d’hommes et de femmes, et peut-être même la nôtre.
Pourtant, nous avons tous cette aspiration au bonheur. En même temps nous voyons nos jours qui coulent plus vite que la navette du tisserand et notre vie qui s’évanouit comme un souffle.
Pessimisme, me direz-vous ? Réalisme pour le moins…
Devant toutes ces situations de précarité auxquelles nous sommes confrontés, il n’est de vraie solidarité qui est celle qui part d’un cœur ému de compassion. Un cœur tourné vers le trésor commun de toute humanité ; un cœur, un corps, un esprit épris de bonheur et pourtant faisant l’expérience, parfois, d’être si peu comblé, parfois malheureux ou pauvre.
Dans l’Evangile de ce jour, la foule entière se presse pour être guérie de toute sorte de maladies. Ce nous sommes nous-mêmes : malades comme la belle-mère de Pierre, possédés parfois par des esprits qui ne sont pas au service du bien.
C’est en sortant de la synagogue que Jésus va vers eux et les fait se lever. Guéris, ils prennent alors la tenue du service, de la solidarité. C’est après le coucher du soleil, là même où les forces inchoatives sont plus fortes que les forces de lumière, c’est alors que Jésus guérit.
Le lendemain, bien avant que l’aube n’ait enfin le dessus sur les forces des ténèbres, Jésus est seul, dans un désert ; il se tient en prière. Il est contemplatif quand la foule le presse de guérir. Pour recevoir de son Père cette force qui libère. La solidarité prend sa source là : un lieu vide, un désert, une nuit opaque, des malheureux et là, une dépossession, une remise au Père, une contemplation de la vie. Dans l’espérance d’une aurore pascale. Dans l’émotion d’un peuple malade qui cherche et la vie et la santé. « Tout le monde te cherche », disent les disciples à Jésus. Et Jésus de répondre : « C’est pour cela que je suis sorti ».
Tournons-nous vers ceux qui cherchent à être guéris. Soyons missionnaires comme Jésus. Sortons de notre maison, comme Jésus. Laissons-nous émouvoir par ceux qui souffrent et sont malades, comme Jésus. Prions au cœur de nos nuits et dans les déserts de cette vie, comme Jésus. Puisons l’énergie du Père dans notre contemplation, comme Jésus. Aimons jusqu’à aimer ce qui n’est pas nous, comme Jésus. Chassons les esprits mauvais et libérer l’Esprit Saint, comme Jésus. Guérissons au nom de Dieu ce qui est malade, comme Jésus. Annonçons la Parole de Dieu, la Bonne Nouvelle de vie et de bonheur, comme Jésus.
Partout où il y a des malades, des esclaves, des sans droits, des affamés, des chercheurs de sens et de dignité… nous sommes appelés.
Notons dans l’Evangile que la Parole est donnée une fois les maladies guéries, la faim apaisée, les ténèbres chassées. Jésus n’a pas cédé à la tentation d’en court-circuiter cette étape.
Alors, notre Job du début ? Les missionnaires que nous sommes, nous pouvons renoncer à gémir sur la vie, même si elle est particulièrement difficile. La vie n’est pas qu’une corvée, elle peut devenir une action de grâce, une reconnaissance de l’action de la gratuité de Dieu. Nous n’avons pas seulement à attendre la paye, comme le dit Job des hommes harassés par le labeur, car nous savons que nous avons déjà reçu la totalité de l’amour de Dieu. Nous ne sommes plus seulement alités, mais déjà relevés, ressuscités. Notre vie n’est plus seulement qu’un souffle, mais une mission. Le bonheur n’est plus une recherche de soi, mais une sortie de soi, vers la rive de l’autre, vers la rive de Dieu. Notre vie ne s’achève pas quand il n’y a plus de fil, mais elle s’accomplit dans la vision de Dieu et la solidarité avec nos frères. Une solidarité remplie d’amitié. Une amitié nourrie de gratuité. Une gratuité puisée dans la contemplation de l’amour gratuit qu’est Dieu. Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir. Il y a plus de joie à passer sur la rive de l’autre, sur la rive de Dieu que de rester sur la sienne.
Une vie donnée, même avec la peau burinée par les chemins désertiques et les nuits traversées comme éprouvantes, une vie vers l’autre est une vie comblée.
Homélie du 2ème dimanche du temps ordinaire – Année B –
17 janvier 2021 - Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté-Dieu
1S 3,3b-10.19 / 1Co 6,13c-15a.17-20 / Jn 1,35-42
Nous venons d’entendre le début de l’Évangile de Jean où Jésus rencontre ses futurs disciples, ses premiers disciples. Avez-vous remarqué tous les verbes de mouvements et autres actions par lesquelles non seulement il y a une rencontre mais aussi une confiance qui grandit et qui portent ces hommes à suivre Jésus :
Ils quittent Jean-Baptiste qui avait préparé les chemins du Seigneur.
Ils suivirent Jésus, ils allèrent, ils virent, ils restèrent auprès de lui.
A chaque fois, c’est grâce à une autre personne que ces hommes deviennent curieux de Jésus qu’ils questionnent. « Maître, où demeures-tu ? ». Et pour répondre, les personnes sont invitées à bouger, dans leurs têtes, dans leurs conceptions, leur imaginaire, dans leur cœur, dans leur corps ! Pour faire l’expérience d’une relation personnelle avec Jésus : « ils virent où il demeurait ». Pas de connaissance du Christ sans un engagement personnel de leur part. C’est de là, et de là seulement, que la confiance peut naître et grandir. A son tour, André donne envie à Simon de rencontrer Jésus. Simon fait alors l’expérience du regard de Jésus sur lui, qui lui donne un nom nouveau -Pierre- : ce sera ta mission, être pierre sur laquelle d’autres pourront vivre. A la fin de cet évangile, Jésus ne lui dira-t-il pas : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église » ?
La 1re lecture, récit de la vocation de Samuel, consonne avec cette mise en route des disciples, et l’appel que le Seigneur adresse à chacun : « Venez et voyez ».
Jean-Baptiste, André, Simon-Pierre, Samuel et nous aujourd’hui, de proche en proche, tous nous sommes appelés à faire l’expérience qu’il est « l’Agneau » : celui qui nous libère du mal, celui qui s’engage avec nous et pour nous, qu’il inaugure des relations nouvelles, pour être des transfigurés.
Et moi ? Qu’est ce qui me donne ou qui me donne envie de « faire l’expérience » de la rencontre du Christ ? Qu’est-ce qui me donne envie de me mettre en route pour entrer dans cette relation personnelle avec lui ? En écoutant sa Parole ? En le laissant poser son regard bienveillant sur moi ? En osant lui parler, le questionner ?
Au passage, nous pouvons noter que l’expression « transmettre la foi » n’est pas pertinente. On ne transmet pas ni la foi, ni la confiance : mais, une personne à qui je fais confiance, peut à son tour risquer sa confiance envers une autre personne, et j’espère avec le Christ. C’est de cette expérience unique entre deux autres personnes que peut naître la confiance, la foi, entre elles. Cela devrait nous déculpabiliser par rapport à nos enfants, petits-enfants où parfois nous croyons avoir raté nos transmissions. Nous ne ratons rien si nous donnons à nos proches le meilleur de nous-mêmes. Ils nous seront toujours reconnaissants d’être des vivants selon le cœur de Dieu.
Le passage de la 1ère lettre de Saint Paul aux Corinthiens apporte une belle précision : « Vos corps sont les membres du Christ. Votre corps est un sanctuaire de l’Esprit Saint ». Saint Paul ne dit pas « votre corps, s’il est parfait, s’il est jeune, beau, sans blessure » ! Mais votre corps tel qu’il est ! Avec son âge, son histoire, ses limites (même un « géant » a un corps limité !). Mon corps, c’est moi-même. Ne disons pas « j’ai un corps », comme s’il m’était extérieur à moi-même, mais « je suis mon corps », et donc aussi mon psychisme, mon histoire familiale, sociale, ecclésiale. Et il n’y a pas de « niveau requis » pour que le Seigneur s’adresse à nous, pour qu’il pose son regard sur nous et nous invite à le suivre. C’est dans ce compagnonnage, source de conversions quotidiennes, que les êtres de chair que nous sommes, fragiles, limités et pécheurs, deviendront des instruments de son amour et des témoins de Sa Parole.
Venez et vous verrez : demandons à Dieu de “ voir ”. Le bonheur de Dieu, certes. Mais aussi de voir avec les yeux et le cœur de son Esprit. De nous mettre à sa suite, à l’inverse du jeune homme riche qui était venu chercher la lumière et qui a fait demi-tour lorsqu’il l’a entrevue.
Demandons-lui de voir par le moyen de notre foi. De croire en l’amour plus fort que les violents ou les indifférents. Il nous appelle dans les rigueurs de la vie à revêtir comme un manteau son Esprit. A préparer pour d’autres des chemins lumineux. Il nous appelle à regarder les autres avec un regard qui permet à d’autres de se lever quand ils sont prisonniers d’eux-mêmes.
N’ayons pas peur, Dieu change notre regard pour renouveler le regard du plus obstiné en regard de tendre, de pardonnant ; en un disciple de la lumière.
Homélie de l’Epiphanie du Seigneur-Année B – 3 janvier 2021 -
Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté-Dieu
Is 60,1-6 / Ep 3,2-3a.5-6 / Mt 2,1-12
Pèlerin en marche pour une rencontre, avoir les mains chargées de cadeaux, nous tenir debout et repartir par un autre chemin, autrement que nous sommes venus : telle fut l’attitude des mages venus d’Orient, telle est l’attitude du véritable croyant.
Oui, les mages se mettent en route, les yeux levés vers la lumière, non seulement celle d’une étoile, vers celle éclairant le visage d’un nouveau-né, la lumière de Dieu.
Ils font un détour par Jérusalem pour consulter les Écritures. Ils vivent, eux, ces païens, un véritable déplacement, alors que les croyants de Jérusalem ne bougent pas car ils croient savoir. Le Roi Hérode, lui, jaloux de son pouvoir, demeure dans son palais paralysé par son inquiétude et tous les chefs religieux de Jérusalem avec lui.
Ces pèlerins venus d’Orient trouvent enfin le lieu où se trouve l’enfant : ils voient, éprouvent une grande joie et tombent à genoux. Et ils repartiront par un autre chemin. Autrement…
Ils avaient rendez-vous avec quelqu’un, un enfant qu’ils ont reconnu comme « Roi des Juifs ». C’est ce même titre que Pilate, lui aussi païen, donnera à Jésus une fois crucifié ; et c’est encore ce titre que donneront les soldats en l’injuriant : « salut, roi des juifs ! »
Mais ce rendez-vous des mages avec Jésus était accompagné par Dieu, puisqu’accompagnés par une étoile et un songe.
Ce sont donc des païens, sans oublier les bergers de la grotte, qui reconnaissent en l’enfant de Bethléem, l’envoyé de Dieu, la « manifestation » de Dieu sur terre. Tel est le sens du mot « épiphanie ». Comme Mathieu s’adresse à des juifs convertis, il veut montrer que Dieu a envoyé son Fils pour le salut de tous les hommes. Tous, juifs et païens, croyants et non croyants, sont invités à reconnaître le Messie, encore faut-il qu’ils se mettent en marche.
Vous voyez, frères et sœurs, pourquoi un chrétien est un pèlerin en marche et non pas installé dans des certitudes ou un confort moral. Acceptons donc d’être dérangés, de vivre autrement et d’engager une conversion.
Si les mages se sont mis en marche, leurs mains sont chargées de cadeaux.
En ce temps de Noël, nous avons offert et reçu des cadeaux. Nous nous sommes demandé ce qui ferait plaisir à la personne qui allait recevoir notre cadeau. Les cadeaux des mages à l’Enfant de Bethléem ont manifesté la personnalité du nouveau-né de Bethléem : l’or parce qu’il est roi, l’encens parce qu’il est Dieu, la myrrhe parce qu’il est mortel.
A notre tour d’apporter à cet Enfant de la crèche, ce que nous sommes après avoir été guidés par Dieu lui-même, au moment où nous nous prosternons devant lui.
Parce qu’il est Roi, nous lui offrons notre désir de vivre en citoyens de son Royaume. Un Roi qui n’est pas à l’image du tout puissant Hérode, puisque sa royauté n’est pas de ce monde, qu’il n’a ni d’armée, ni trône sinon une croix. Il n’a pas de couronne que celle tressée avec des épines. Il vient, non pas pour être servi, mais pour servir. Nous ne pouvons alors pas lui faire plus plaisir que de lui présenter nos mains offertes pour la construction de la Paix, la solidarité, les démarches de réconciliation, autant de gestes qui participeront à l’établissement de son Royaume d’amour. Voilà notre premier cadeau.
Parce qu’il est Dieu, nous lui offrons notre prière. Notre cadeau, c’est le temps que nous prenons pour célébrer chaque dimanche l’Eucharistie, pour méditer ce qu’il nous dit puisqu’il est la Parole même de Dieu, pour lui offrir notre louange et lui présenter nos demandes. Voilà notre second cadeau.
Parce qu’il est Dieu fait homme et compagnon de chaque personne humaine, nous lui offrons notre regard porté sur tout homme, spécialement sur les plus petits, puisque nous reconnaissons en eux la manifestation de son propre visage. Nous croyons que ce que nous faisons à l’un de ces petits qui sont ses frères, c’est à lui que nous le faisons. Voilà notre troisième cadeau.
Frères et sœurs, chaque Eucharistie nous permet de faire l’expérience des mages venus d’Orient. Nous nous sommes mis en marche pour venir l’adorer, l’écouter par sa Parole, proclamer notre foi en reconnaissant Dieu comme notre Dieu. Avec le pain et le vin, nous lui offrons notre engagement pour faire advenir le Royaume, notre temps pour la prière et l’amour de nos frères en humanité vers lesquels il nous envoie.
C’est par un autre chemin, autrement, que nous allons repartir, car, après avoir rencontré le Sauveur du monde, nous ne pouvons reprendre la route comme nous sommes venus. Si nous sommes installés, bougeons ; si nous sommes inquiets, demandons la confiance au Prince de la paix ; si nous sommes tristes, regardons ce Nouveau-Né ; si nous doutons, laissons-nous envoyer.
L’Épiphanie que nous célébrons aujourd’hui sera alors pour nous et pour nos proches une véritable manifestation de Dieu.
Homélie De la Nuit de la Nativité–Noël 2020-Année B – 24 décembre 2020 - Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté Dieu
Is 9,1-6 / Tt 2,11-14 / Lc 2,1-14
Dès le 5ème siècle, la veille de Noël, on célébrait à Sélestat, dans l’est de la France, la naissance d’Adam. Au cours de cette célébration, on lisait l’arbre généalogique du Christ qui descend d’Adam, après 3 fois 14 générations. On décorait alors l’Eglise d’un arbre qui représentait cet arbre généalogique, qui représentait aussi l’arbre du Paradis terrestre. Arbre toujours vert, symbole de vie et de l’éternité de Dieu qui ne finit jamais.
Si le bois qui construit ce berceau et sur lequel nous nous penchons ce soir protège et honore cet enfant, il est aussi celui qui servira pour détruire le Messie au sommet du bois de la croix de bois. Jésus naît nu et il mourra nu sur la croix, victime de la folie du péché des hommes. La femme qui berce son enfant le soir de Noël le verra mourir, crucifié, quelques années plus tard.
Oui, le plus faible parmi les faibles, un nouveau‑né, va devenir notre Sauveur.
C’est l’humilité qui élève.
Cet arbre de la fête de Noël est chargé, non pas de pommes de pin, mais de boules d’or. Ces boules sont les fruits de l’arbre du Paradis appelé à produire du fruit en abondance. Arbre en plein été visité par l’Esprit Saint avec ses longs cheveux en fils d’argent que nos guirlandes veulent symboliser. Oui, cet Esprit du Père et du Fils construit les liens d’unité et d’amour entre tous ceux qui se laissent irradier par le Christ.
Un arbre empli de lumière. Cet arbre est précisément rempli de bougies. Un arbre qui donne la lumière ! Nous savons tous que le feu est l’ennemi du bois le plus mortel et pourtant l’arbre de Noël brûle sans se consumer, comme Moïse a pu le constater devant le buisson ardent. Il irradie une lumière éternelle et une chaleur qui nous brûle d’amour. Un amour qui ne s’impose jamais à l’autre, pour faire grandir sa liberté.
C’est l’humilité qui élève.
Au sommet de l’arbre, une étoile : celle qui s’arrête au-dessus de la crèche et signe de son éclat la présence de cet enfant, Prince merveilleux, Dieu fort, Prince de la Paix vers lequel beaucoup vont converger et prendre l’attitude du ravi et de l’adoration. « Telle est la tendresse du cœur de notre Dieu ; grâce à elle, du haut des cieux, un astre est venu nous visiter ; il est apparu à ceux qui étaient dans les ténèbres et l'ombre de la mort, pour guider nos pas sur le chemin de la paix ».
A Noël, je vois donc venir à ma rencontre un faible nouveau‑né qui va m'apprendre que, d'un côté, il y a les stratégies, les calculs, la force, la puissance, l'argent, la jalousie. Et que, de l'autre côté, il y a l'attention à l'autre, l'oubli de soi, le don, l'ouverture, la bonté. Cet enfant va me faire prendre conscience qu'à chaque pas, à chaque mot, à chaque geste, j'ai à choisir entre deux chemins, celui du monde sans Dieu ou celui de la vie avec Dieu. Soit tu choisis le « monde » des ténèbres qui rejette la lumière de Dieu, soit tu choisis de recevoir cette lumière issue de l’arbre de la Vie. Cet Enfant de Noël va nous rendre la vie impossible, oui… mais, si sans cet impossible il n'y a rien. Avec cet impossible, il y a tout !
Autrefois, le lendemain de la célébration de la naissance d’Adam, le 25 décembre, l’arbre du Paradis était débité en bûches et partagé entre les familles du village. Chaque famille emportait alors chez elle une bûche. Et cette bûche, posée dans l’âtre de la cheminée, devenait alors le signe d’une présence sacrée, d’un buisson ardent, celle de la présence de Dieu. Une présence qui réchauffe les plus pauvres et les plus déshérités. Devant ce feu, on ôtait ses sabots, comme autrefois Moïse enlevait ses sandales devant le buisson ardent. Un acte d’humilité devant celui qui est tout puissant. Un acte de pauvreté à Celui qui nous offre sa miséricorde en abondance. Un acte de bonté et de tendresse envers Celui qui nous entoure de ses bras d’amour comme le fils aîné au retour de sa vie enténébrée.
C’est l’humilité qui élève.
Et à la faveur du sommeil, ces sabots s’emplissaient de cadeaux pour les enfants, pour exaucer leurs souhaits. Nous tous, enfants de Dieu, nous avons cette espérance de la part de Dieu, d’être comblés de son Royaume ! C’est notre plus beau cadeau. A nous de nous déposséder de ce qui n’est pas essentiel dans nos vies pour accueillir, les mains nues, ce Royaume qui appartient à ceux qui ressemblent aux enfants.
Homélie du 4ème dimanche de l’Avent – Année B – 20 décembre 2020 - Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté Dieu
2 S 7, 1-5.8b-12. 14a.16 / Rm 16, 25-27 / Lc 1, 26-38
L’épître aux Romains nous dit ce matin : le Christ, c’est « celui qui peut vous rendre forts selon l’Evangile ».
Dans la première lecture, il nous est dit que si l’on cherche à construire une maison pour le Seigneur, c’est en soi une bonne chose car souvent il est le premier oublié de nos vies. Samuel se rend compte de la réalité : j’habite une maison de cèdre et Dieu est sous un abri de toile… Cf Couvent de Paris… On est loin du « Dieu premier servi » …
Et voilà que le Seigneur dit à Nathan : va faire savoir à Samuel : je t’ai délivré de tes ennemis, j’ai été avec toi partout où tu es allé, ce n’est pas tant toi qui bâtiras la maison du Seigneur, mais le Seigneur lui-même qui bâtira ta maison, Samuel !
Je bâtirai ta maison, l’espace de ta vie. Au creux de ta virginité, au creux de ta stérilité, je te donnerai un fils et Dieu lui donnera un trône qui sera stable pour toujours.
Mais comment, dit Élisabeth, car je suis stérile et Zacharie son époux ? Mais comment, dit Joseph ? Mais comment, dit Marie car je suis vierge ? Mais comment, dis-je, car je suis inapte, impuissant ou peut-être plutôt trop puissant.
Comment ? Joseph va renoncer à son projet de répudier Marie en secret et il fait ce que lui ange lui a prescrit. Marie : que tout soit fait selon ta parole.
Mais comment ? En faisant du vide. En faisant le vide. En faisant le vide de mes projets trop axés sur ma seule volonté, volonté qui me coupe des autres.
En faisant le vide de mes toutes puissances qui m’isolent et me font croire que je suis seul à bien faire mon travail.
En faisant le vide de mes cécités qui m’empêchent de voir avec bienveillance ce qui est beau et bon en l’autre. En faisant le vide de tous ces trop pleins qui empêchent à ses enfants de vie de naître en moi et chez les autres.
Sainte Catherine de Sienne disait : « fais-toi capacité et je me ferais torrent en toi ». Laisse l’Esprit saint te prendre sous son ombre. Écoute tous les appels des anges de ta vie. Que tout t’advienne selon sa Parole et non pas la tienne.
Quel est donc celui qui te rend fort ? Quel est celui qui construit en toi l’homme intérieur ? C’est le Seigneur qui est avec toi. Ton seul travail, c’est ta capacité à faire du vide, pour accueillir ce qui est de Dieu. Cet homme intérieur vidé de son trop plein pour être rempli du Christ, de son Évangile, de sa Parole. Obéissant à la parole de tes anges. Obéissant au Christ, vrai roc de l’homme intérieur que tu es.
Oui, ce n’est pas toi qui construiras ma maison, dit le Seigneur, c’est moi qui construirai la tienne. Comme une cathédrale, sois cette pierre vivante qui délimite un espace vide et intérieur et qui en même temps donne, pour toi et pour les autres, la forme de la croix, la forme du Christ. Ainsi naîtra l’Enfant de Bethléem en ta vie, en nos vies.
Introduction :
François nous invite :
Un jour, François fit appeler Jean de Greccio. « Si tu veux bien, lui dit-il, célébrons à Greccio la prochaine fête du Seigneur… Je veux évoquer en effet le souvenir de l’Enfant qui naquit à Bethléem et de tous les désagréments qu’il endura dès son enfance ; je veux le voir, de mes yeux de chair, tel qu’il était, couché dans une mangeoire et dormant sur le foin entre un bœuf et un âne. » L’ami fidèle courut en toute hâte préparer au village en question ce qu’avait demandé François.
Le jour de joie arriva, le temps de l’allégresse commença… Hommes et femmes, les gens du pays, l’âme en fête, préparèrent, chacun selon ses possibilités, des torches et des cierges…
En arrivant, le saint vit que tout était prêt et se réjouit fort. On avait apporté une mangeoire et du foin, on avait amené un âne et un bœuf. Là vraiment la simplicité était à l’honneur, c’était le triomphe de la pauvreté, la meilleure leçon d’humilité : Greccio était devenu un nouveau Bethléem… Les foules accoururent et le renouvellement du mystère renouvela leurs motifs de joie.
Homélie du 2ème dimanche de l’Avent – Année B – 06 décembre 2020 - Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté Dieu
Is 25, 6-10a / Ph 4, 12-14. 19-20 / Mt 22, 1-14
« Voici votre Dieu, Il vient avec puissance ». Le Seigneur vient, Il frappe à notre porte. Si tu ouvres ton cœur, il fera chez toi sa demeure.
Ce temps de l’Avent est un temps pour se préparer à ouvrir la porte de notre cœur au Christ qui va naître en nos vies. Il naît chaque fois qu’un sourire remplace la tristesse, chaque fois que la bienveillance remplace la malveillance, chaque fois que la colère fait place à la patience.
Celui qui accueille Dieu dans son cœur, des chemins s’ouvrent dans son cœur. Dieu vient pour dire qu’à ses yeux nos péchés ne laissent plus de trace car son amour veut tous les brûler.
Préparons donc ce chemin, le chemin de nos cœurs pour se laisser aimer et aimer à son tour.
Préparer ce chemin : comment ?
Dans la jungle de nos cœurs, il convient d’abord de débroussailler les lianes tortueuses qui nous empêchent de voir l’horizon. Couper, ce qui ne peut que vieillir. Toutes nos montagnes d’orgueil, les araser, les aplanir. Les ravins de nos manques qui provoquent en nous de graves addictions et nous font commettre parfois l’irréparable, les laisser se combler de l’amour de Dieu et du service du prochain. Transformer nos chemins tortueux en droit chemin de Dieu. Dieu nous rectifie, il nous rend droit et nous appelle à poser des actes de justice envers les autres.
Sur ce chemin, nous le voyons l’emprunter lui-même et subir les mêmes souffrances que nous, voire même en être rejeté. Ce chemin d’humanisation de nos vies est difficile, exigeant, mais il rend heureux, d’un bonheur vrai que personne ne peut nous enlever. Nous croyons que le Christ marche à nos côtés ; qu’il prend soin de nous comme il nous l’a promis, et même qu’il vient au-devant de nous. Il va même au-devant de ce qui est en nous perdu, comme une brebis perdue dans les dangers du désert.
« Voyant les foules il eut pitié d’elles parce qu’elles étaient fatiguées et abattues comme des brebis sans berger ». Jésus nous révèle la compassion de Dieu pour la misère de son peuple. En lui nous voyons s’accomplir la parole du livre de l’Exode : « J’ai vu, oui j’ai vu la misère de mon peuple, j’ai entendu ses cris, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer et le faire monter vers une terre spacieuse et fertile, vers une terre ruisselante de lait et de miel ».
Sur ce chemin, Dieu lui-même est le premier de cordée, mais pour que nous soyons à notre tour de ceux qui préparent pour d’autres un chemin de vraie libération et de rendre droits leurs propres chemins.
Homélie du 1er dimanche de l’Avent – Année B – 29 novembre 2020 - Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté Dieu
Is 25, 6-10a / Ph 4, 12-14. 19-20 / Mt 22, 1-14
AVENT : vient de adventus, en latin à la venue, l’avènement.
Les Hébreux attendaient un sauveur : un rameau sortira de la souche de Jessé, de Dieu. Sur lui, reposera un esprit de sagesse et de discernement, un esprit d’amour de Dieu.
Avec ce premier dimanche de l'Avent commence une nouvelle année liturgique. Nous y lirons l'évangile de Matthieu pour revivre les grands évènements de l’Homme et de notre délivrance en Christ. C’est le début de l’aventure humaine où Dieu sera la réalisation de l’homme, le début de la révélation de Dieu où : en un enfant, sas défense aucune, Dieu nous apprend qui Il est.
Avec Isaïe, Paul & Mathieu, la liturgie de ce 1er dimanche de l’Avent porte notre regard – non sur Noël-, mais sur l'avènement final du Christ. Avènement qu'il nous faut préparer, aujourd'hui, en nous centrant sur l'humble venue du Christ de l'Aujourd'hui, en nous préparant au grand Demain de l'avènement final.
Sa promesse d’une vraie délivrance sera tenue.
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"Si tu veux bien, dit François d’Assise à ses frères, célébrons à Greccio la prochaine fête de la nativité du Seigneur : pars dès maintenant, et occupe-toi des préparatifs…" PARS !
Partir, mais pour aller où ? Et que préparer ? Pour attendre quoi ?
La liturgie de ce dimanche nous invite comme François à partir et à partir à la rencontre de Quelqu'un, de le faire avec courage et de prendre des chemins de justice, c'est-à-dire des chemins qui, peu à peu, nous ajustent à l'œuvre de Dieu.
Or, nous ne sommes pas seuls à partir. Quittant le sein de ton Père, Ô Christ, tu es parti toi-même. Et voici que tu es descendu -c’est Isaïe qui nous le dit-. Tu viens rencontrer celui qui pratique avec joie la justice.
Pars donc, laisse surgir en ton cœur le désir de rencontrer Celui qui vient vers toi… Donne-moi, donne-nous, Seigneur, d'aller avec courage sur les chemins de la justice à ta rencontre. Puisque que nous nous sommes laissés entrer en tentation et que nos désirs se sont enroulés sur nous-mêmes, nos péchés nous ont éloignés de toi. Mis voilà que tu descends toi-même, à notre rencontre pour laisser façonner par tes mains l’argile fragile de nos vies, notre existence abîmée par nos éloignements.
François et Claire te parlent : Dieu ne demande pas à François d’Assise ni à nous-mêmes de mépriser nos désirs ou d'y renoncer, mais d'accepter qu'Il les réalise à Sa manière et en Son temps.
Une nuit, saint François s’entend appeler pendant son sommeil ; une voix affectueuse lui demande où il compte partir ainsi. François lui explique ses projets : il part faire la guerre dans les Pouilles. Mais la voix reprit :
« De qui peux-tu attendre le plus, du maître ou du serviteur ?
- Du maître, répondit François.
- Pourquoi donc courir après le serviteur au lieu de chercher le maître ?
- Seigneur, dit François, que veux-tu que je fasse ?
- Retourne au pays qui t’a vu naître. »
Descend vers toi, descend d’un mètre vers la profondeur de ton être. Va vers toi. Deviens tendre et vrai en refusant d’être à la superficie de toi-même. Il va vers toi pour que tu deviennes enfin qui tu es, un vivant selon le cœur de Dieu.
Oui, François et Claire t'invitent… à regarder tes désirs, les attentes qui habitent ton cœur, sans rien laisser de côté, car tout dans ta vie peut devenir chemin vers Dieu. A prendre conscience où tes pas te conduisent. A essayer de percevoir les touches de Dieu dans ta vie de chaque jour. Pour cela, retire-toi chaque soir de cette semaine un peu à l'écart et regarde ta vie avec tendresse et bienveillance. Découvre les désirs de ton cœur et essaie de laisser Dieu t'emporter vers le cœur de ton désir où il vient descendre, désir qu’Il veut habiter, façonner à sa façon. Sors de ton sommeil ou de ta vie endormie : sois un vivant, risque ta liberté -c’est le plus dur-. Veille et veille bien. Le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin, veille sur tes désirs mais sur ton frère le plus proche dont tu ignores peut-être qu’il est en train de vivre un drame, un doute, une désespérance ou une joie imprenable… Veille bien en étant bienveillant.
Car Dieu est parti en voyage vers toi. Pour que tu partes en voyage vers ton frère qui est seul.
Seigneur, s'il te plaît… viens habiter chacun de mes désirs et oriente-les vers Toi. Toi qui marche vers moi, viens épouser chacun de mes pas et modèle-les à l’argile de tes pas. Guide-les vers Toi. Comme saint François nous le dit, « ne garde pour toi rien de toi, afin que te reçoive tout entier celui qui se donne à toi tout entier. » ‘C’est lui, et c’est saint Paul qui nous le dit aujourd’hui, c’est lui qui te fera tenir fermement jusqu’au bout’.
Avec sainte Claire : « remets-toi toujours ceci en mémoire : ce que tu as acquis, conserve-le soigneusement ; ce que tu fais, fais-le bien ; ne recule jamais ; hâte-toi au contraire et cours d'un pas léger, sans achopper aux pierres du chemin, sans même soulever la poussière qui salit tes pieds ; va confiant, allègre et joyeux. Avance avec précaution cependant sur le chemin du bonheur ».
Solennité de Tous les Saints – Année A – 1er novembre 2020 - Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté Dieu
Ap 7, 2-4.9-14 / 1 Jn 3, 1-3 / Mt 5, 1-12a
Messe télévisée
Nous venons de proclamer les béatitudes du Christ : en le suivant, nous pouvons devenir bienheureux.
Ces béatitudes, Jésus les a vécues dans une vie d’homme réussie aux yeux de Dieu. Regardez-le, contemplez-le : c’est lui, l’Homme, l’Homme parfaitement réussi, le Saint de Dieu.
Il ne se contente pas d’instruire la foule et ses disciples sur la montagne, surtout, il accomplit les béatitudes dans sa vie d’homme rendue parfaite aux yeux de Dieu.
Il dit qu’il inaugure en sa personne la vie de Dieu qu’il vit de toute éternité.
Il dit qu’il est un pauvre devant son Père en recevant tout de lui.
Il dit qu’il est un doux quand il rejoint la brebis égarée jusque dans ses propres errances et qui la porte sur son cœur.
Il dit qu’il pleure devant son ami Lazare qui est mort, devant le père Jacques Hamel ; Samuel Paty ; Simone, Nadine et Vincent le sacristain égorgés jeudi à Nice et tant d’autres. Tant d’autres martyrs de la folie meurtrière de certains.
Il dit qu’il a faim et soif de la justice quand la prostituée est mal jugée.
Lui qui s’appuie sur son Père, il dit qu’il est la paix de Dieu à ceux qui tuent au nom de Dieu.
Il dit qu’il est insulté, persécuté, martyrisé quand il annonce la Bonne Nouvelle de son Père et qu’on cherche à le supprimer, alors qu’il parachève sa vie de vrai homme et de vrai Dieu.
Et quand tout est accompli sur la croix, il dit que sa récompense est grande quand il reçoit de son Père la résurrection qui restitue à notre monde meurtri sa ressemblance divine.
Nous sommes invités aujourd’hui à vivre notre marche en pèlerins, parfois dans la grande épreuve, parfois en lavant nos vies dans le sang des hommes, mais blanchies par le sang de l’Agneau, avec tous ceux qui nous précèdent et que nous irons honorer dans nos cimetières ou dans notre cœur, et avec ceux et celles qui nous suivront dans le temps.
Nous croyons, -et c’est l’espérance qu’il faut redire à temps et à contre temps-, que nous serons revêtus de blanc par le Christ lui-même, gratuitement, en recevant de lui la sainteté que, certainement pour une part, nous vivons déjà. Je pense en disant cela à tous les saints et les saintes de la vie quotidienne : cette personne paralysée sur son fauteuil qui donne son sourire ; ce mari qui sert son épouse alors qu’elle ne le reconnaît même plus ; ces parents qui restent en lien avec leur grand ado plongé dans la toxicomanie ; ce prisonnier qui prie pour sa victime et qui, à genoux, implore à Dieu son pardon... tous ces saints et ces saintes du quotidien que j’aime tant et pour qui je prie de m’aider à devenir saint. Quoiqu’il arrive. Car c’est ma vocation. C’est notre vocation.
Frères et sœurs, avec saint François d’Assise, héraut du dialogue avec tous les habitants de la terre, avec le Sultan qu’il a découvert non pas comme un ennemi à abattre mais un frère à aimer, frère François si délicat et respectueux de dame notre mère la terre, réapprenons à vivre avec les autres. Même confinés, surtout confinés. Recevons de Dieu cet appel à être bien-heureux, à être une graine de saint pour rendre les autres bien-heureux. Ne laissons jamais seul un de nos proches, telle personne malade, sa maman, son papa. Même par zoom ou par skype. Prenons soin les uns des autres. Demandons-leur comment ils vont ; gratuitement, vraiment. N’attendons pas que l’autre soit meilleur pour l’aimer car il attend d’être aimé pour devenir meilleur.
Respectons-nous dans nos différences comme l’a si bien montré François d’Assise, pour défaire les murs qu’hélas nous bâtissons pour nous protéger de l’autre. Réapprenons la courtoisie avec nos frères et sœurs d’autres religions ou sans confession en aimant ce qu’il y a de vrai, de beau et de bon en eux plutôt que d’exhiber ce qui pourrait les blesser. Donnons, quoi qu’il en coûte, le meilleur de nous-mêmes, ce bienheureux que je suis déjà parce que j’ai décidé de suivre le Christ. Jusqu’au bout de l’amour. Être une graine de saint, c’est être bon pour les autres, comme le Christ l’est pour moi et pour eux. Sans réserve.
Alors, en présence de tous les vivants de la terre et du ciel, avec Marie qui est la première d’entre nous à vivre de cette sainteté de Dieu, devenons qui nous sommes, des fils et des filles de Dieu, des vivants, des saints assemblés pour chanter le Seigneur : « Louange et gloire, sagesse et action de grâce, honneur, puissance et force à notre Dieu pour les siècles des siècles » !
Homélie du 28ème dimanche du temps ordinaire – Année A – 11 octobre 2020 - Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté Dieu
Is 25, 6-10a / Ph 4, 12-14. 19-20 / Mt 22, 1-14
Messe télévisée : Repas de noces
Cette parabole adressée par Jésus aux pharisiens nous parle de la dignité de chacun d’entre nous : « ils n’ont pas été trouvés dignes », dit le maître de maison à ses serviteurs. Je pense, en disant cela, à l’évêque qui m’a ordonné prêtre à Saint-Denis. Je préparai avec lui la célébration et je lui ai dit que je ne souhaitais pas que soit posée la question prévue par la liturgie : « est-il digne ? ». Car je ne me sais pas digne de représenter le Christ pour celles et ceux vers qui je suis envoyé. Il m’a répondu : « oui, Benoît, tu as raison, tu n’en es pas digne mais d’autres t’ont jugé digne de devenir prêtre ».
Dans l’histoire humaine, pourquoi tant de personnes se dérobent à cette extraordinaire invitation ? Le maître du temps et de l’histoire, le créateur de tous les univers, invite chacun de nous à ce festin de noces entre Dieu et son humanité. Il prend lui-même le tablier de service. Il confectionne un festin de viandes grasses et de vins capiteux. Il vient servir chacun de nous en nous donnant le meilleur de sa vie. Et je me déroberais à cette invitation ? Jusqu’à même supprimer les serviteurs porteurs d’une telle invitation ? Mais quel drame !
Le Seigneur me dit : « si tu ouvres ta porte, j’entrerai, je prendrai chez toi le repas et toi avec moi ; je serai ton Dieu et tu seras mon fils bien aimé ». Si tu ouvres ta porte ! Quoi de plus important dans mon existence. Et parce que tant ont refusé son invitation, le maître dit à ses serviteurs : allez sur les places, appelez les bons comme les mauvais, tous ceux qui accepteront d’ouvrir la porte de leur existence, de se laisser revêtir du vêtement de noces pour se laisser aimer et servir, et pour devenir les amis du Christ.
Comme aumônier à la Maison d’Arrêt de Fleury Mérogis, je rencontre de nombreuses personnes qui ont perdu leur dignité par le mal qu’ils ont pu commettre à d’autres, et ce mal est revenu sur eux par un effet boomerang, avec tout le poids de la culpabilité et de la honte. Ils ont été ainsi réduits à rien. La culpabilité met à nu.
Ayant la clé de leur cellule, j’entre par leur porte et m’assois à leurs côtés. Je sais que je ne suis pas plus digne qu’eux. Nous savons l’un et l’autre où notre propre histoire a blessé notre dignité. Ma dignité, ce n’est pas d’être quelqu’un de bien ou celle que je me donne, mais bien de devenir qui je suis, fils ou fille de notre Dieu.
C’est pourquoi, le maître de ma vie me fait cette invitation à devenir son ami, son intime, à me laisser revêtir par sa miséricorde, vrai vêtement de ma dignité, pour vivre et vivre bien sur le chemin de la sainteté, celui des amis du Christ.
Ce qui m’a le plus touché durant le confinement, c’est la beauté du ciel bleu et des arbres, ici, à La Clarté Dieu. Une fois la pollution dissipée, chaque élément de la nature se voyait restituer sa beauté originelle. Il en est de même pour chacun de nous : une fois dissipé ce qui pollue mes relations parfois si difficiles, je me vois restituer ma véritable dignité de fils. Même le mal que j’ai pu commettre ne peut détruire ma véritable beauté. Il suffit d’accepter ce que je suis : un fils de Dieu et de me laisser servir par le maître de mon existence. L’évêque qui m’a ordonné avait bien raison : d’autres t’ont jugé digne ! Ce n’est pas ton œuvre ; cela t’est donné et donné à vivre pour que d’autres, à leur tour, puissent se laisser aimer, servir et devenir les amis du maître de ce festin, les bons comme les méchants, pour devenir bon de la bonté même de Dieu.
Merci à mes frères détenus qui sont pour moi des maîtres dans ce chemin : certes, ils ne peuvent ouvrir la porte de leur cellule, mais ils m’aident à ouvrir la porte de mon cœur pour que je devienne bon.
Oui, le Seigneur essuiera les larmes sur nos visages. Il effacera l’humiliation quand nous aurons perdu notre dignité. Il fera disparaître tout ce qui est mortifère en nous. En lui nous espérions, et il nous a sauvés.
Homélie du 24ème dimanche du temps ordinaire– Année A – 13 septembre 2020 - Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté Dieu
Si 27, 30-28, 7 / Rm 14, 7-9 / Mt 18, 21-35
Pardonner ne va pas du tout de soi. Car devant l’adversité, nous sommes plus prompts prendre notre revanche ou de contre-attaquer pour nous défendre. Regardez l'instinct des animaux ; regardez parfois les enfants. Il est dans l’ordre des choses que nous-mêmes ayons les mêmes réflexes, soit de nous venger soit de nous soumettre. Renoncer à certains de nos droits et, qui plus est, pardonner de tout son cœur est toujours des plus difficile.
De toutes générations, on se moque de ceux qui pardonnent en les accusant de faiblesse, de soumission, de lâcheté ou même de manque d'intelligence. Il n'est pas naturel de pardonner. Regardez les relations internationales : il semble que les représailles soient le seul moyen efficace d'obtenir la paix pour maintenir fermes les positions des belligérants. Non, vraiment, à bien y penser, le pardon est, semble-t-il, contre nature !
Jusqu'où pardonner, demande Pierre à Jésus ? “Jusqu'à soixante-dix fois sept fois !”
Pardonner sans discernement ou par faiblesse pour se débarrasser d’un conflit trop gênant ? Non ! sûrement pas. Le contexte de l’Evangile de dimanche dernier est éclairant : “Si ton frère a commis un péché, va d'abord lui parler seul à seul. S'il t'écoute, tu auras gagné ton frère. S'il ne t'écoute pas, prends encore avec toi deux ou trois personnes afin que toute l'affaire soit réglée sur la parole de deux ou trois témoins.”
Le pardon ne prend son sens que dans le dialogue, la compréhension, la guérison des blessures, dans le temps, parfois beaucoup de temps et le soutien mutuel. Le pardon suppose que l’un et l’autre fasse une partie du chemin. Et quand l’autre n’est pas prêt à faire ce chemin, ou que soi-même ne sommes pas prêts, continuer de l’espérer, de l’attendre comme un veilleur, ne rien faire qui puisse l’empêcher s’il venait à venir. Prier aussi, prier beaucoup pour celui qui n’est pas prêt à recevoir mon pardon ou bien prier pour moi-même pour que je puisse accueillir le pardon de l’autre.
Saint François dit dans son commentaire sur le Notre Père : « pardonne-nous nos offenses et ce que nous ne pardonnons pas pleinement, fais que toi, Seigneur, nous le pardonnions complètement ». Oui, remettre à Dieu nos pardons impossibles pour qu’il nous donne de les mettre en œuvre, pour qu’Il nous ouvre l’issue que nous n’arrivons pas à trouver nous-mêmes.
Et Jésus de raconter cette parabole d'un roi qui vient régler ses comptes avec ses serviteurs. Le premier qui se présente lui doit 10.000 talents. C'est une somme énorme, équivalant à 60 millions de journées de travail. Plus de 3 milliards d’Euros ! Absolument impossible pour un seul homme à rembourser. Un pardon impossible à vue d’homme. Mais le roi accepte aussitôt de lui remettre la totalité de sa dette. Dieu, qui est infiniment plus grand que nous, est le seul à pouvoir effacer nos dettes envers lui. Qui d’entre nous n’est pas dans la position du serviteur incapable de payer sa dette ? La bonne nouvelle de ce jour est que nous sommes des pécheurs pardonnés. Nous sommes graciés. Comme un condamné à mort. Graciés gratuitement, indépendamment de nos mérites et malgré notre péché. « Il pardonne toutes tes offenses », dit le psaume 102. Nous sommes donc mal venus d'exiger rigoureusement des autres leurs dettes envers nous. Ne jugeons personne. Au mal que l’on me fait, que je réponde par de la bonté ! Au mal que je fais, que je tombe à genou pour implorer le pardon. Au pardon non reçu ou non donné, creusons notre patience et prions pour l’autre mais aussi pour soi pour demander au Seigneur d’ouvrir l’espace de notre tente intérieure. Car tout pardon non reçu ou non donné est comme un boulet que je traîne et qui m’enchaîne. Tout pardon donné ou reçu est une véritable libération.
Nous, les croyants, nous savons que nous sommes des pécheurs, mais surtout des pécheurs pardonnés. Et si notre cœur nous accuse, Dieu est plus grand que notre cœur. Nous pouvons en faire mémoire chaque fois qu’une dette s’impose entre nous et un autre. Dans nos relations humaines, aussi dures soient-elles, Dieu est toujours partie prenante. Car nous, les croyants, nous appartenons au Seigneur. C'est avec lui que nous apprenons à pardonner. Et puisque la mesure de Dieu est la démesure, en pardon notamment, engageons notre pardon, mesure de notre propre amour.
Le signe éclatant de l'amour que Dieu nous porte, c'est bien qu'il nous propose inlassablement son pardon. Par cette eucharistie, il nous entraîne dans cette dynamique là, sûrs que nous sommes, nous les croyants, vraiment attendus sur la qualité de notre don et de notre pardon.
Homélie du 20ème dimanche du temps ordinaire– Année A – 16 août 2020 - Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté Dieu
Is 56, 1.6-7 / Rm 11, 13-15.29-32 / Mt 15,21-28
Dans la 1ère lecture, Israël s'était préservé son identité nationale et religieuse en évitant tout contact avec les peuples environnants. Mais l'exil va le noyer dans un milieu étranger et païen. Sa mentalité évolue, il voit plus universel et, au retour d'exil, le voilà plus ouvert. Pour nous, c'est un bel exemple d'ouverture aux autres, sans noyer les exigences de la foi dans de faux compromis.
Cette ouverture du judaïsme tardif prélude à l'universalité chrétienne annoncée par la foi de la Cananéenne dans l’Evangile.
Dans la 2ème lecture, poursuivant sa méditation sur le destin de ses frères de race, les Juifs, Paul dit qu'il serait heureux s'il pouvait en sauver quelques-uns pour anticiper ce que Dieu fera. Même si nous sommes infidèles, Dieu reste fidèle à ses promesses.
Cette conviction, il la confie aux chrétiens de Rome qui ont des rapports tendus avec les nombreux juifs vivant en ville, et avec les juifs convertis de leur propre communauté. Et de leur dire : ne méprisez pas les Juifs, car vous aviez désobéi, vous aussi, à Dieu, au temps de votre paganisme. Vous aussi, vous avez été graciés. Israël, lui aussi, quand il reconnaîtra son refus, obtiendra un jour miséricorde. Tous, juifs et païens convertis, nous sommes appelés à être un même peuple de frères. Il n'y a pas lieu de se croire meilleur, de faire le fier : tous, nous avons désobéi à Dieu ; à tous, il fera miséricorde.
Dans l’Evangile, Jésus s'était retiré vers la région de Tyr et de Sidon. Depuis la multiplication des pains, rien ne va plus. Les pharisiens lui en veulent à mort. Les foules sont déçues parce qu'il n'emboîte le pas révolutionnaire : ils sont désemparés. C'est le moment pour le Christ de se retirer, de se consacrer davantage à la formation du petit groupe des disciples et de se préparer à monter à Jérusalem où se joueront les grandes décisions. Pour éviter les foules, Jésus séjourne près de la frontière, dans la région païenne de Tyr et de Sidon, villes côtières de l'actuel Sud-Liban.
Cette Cananéenne vient de ce territoire. Ce sont des païens par excellence, l'ennemi religieux numéro un. Jésus l’admire beaucoup parce qu’elle crie sa douleur et ne la retient pas : « ma fille est tourmentée par un démon. Aie pitié de moi, Seigneur ». Parce qu’elle se prosterne en se connaissant non toute puissante mais dépendante des autres et même de Dieu. Parce qu’enfin elle fait un acte de foi extraordinaire en Jésus qu’elle reconnaît comme Seigneur de toute existence. Les juifs, eux, n’ont rien fait de ceci et se protègent derrière l’application stricte de la Loi. Elle, la païenne, elle acclame le Messie des Juifs au moment où les Juifs eux-mêmes le contestent !
C’est vrai que Jésus, dans la phase de la première annonce du Royaume, sait qu'a été envoyé qu'aux brebis perdues d'Israël ». Il avait d’ailleurs précisé à ses disciples : "Ne prenez pas le chemin des païens et n'entrez pas dans une ville de Samaritains. Allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d'Israël" pour commencer le ministère par ce peuple choisi comme porteur des promesses.
Et voilà que cette femme cananéenne ouvre l’annonce du Royaume à toute homme et toute femme, quelle que soit sa culture ou sa religion. Ta foi est grande ! Que tout se fasse comme tu le veux. Et, à l'heure même, sa fille fut guérie.
Tout n’était donc pas écrit d’avance. La mission de Jésus s’est éclairée peu à peu au fil de ses rencontres en élargissant l’espace de son cœur à tous ceux qui sont si loin de la religion pour que tous accèdent à la foi. Il s’est laissé façonné par les gens qu’il rencontrait, par leurs cris, par leur foi. Homme d’un pays, d’un peuple, d’une religion, Jésus s’est découvert solidaire de l’humanité tout entière : « Dieu ne veut en perdre aucun », dira-t-il ; et le soir de sa Pâque : « Ceci est ma vie donnée pour la multitude. »
Admirons Jésus qui se laisse "renverser" par cette païenne. Admirons cette païenne dont la foi est plus profonde que celle des Juifs, et méfions-nous des jugements trop rapides sur les non-croyants. La ligne de démarcation ne passe pas par le registre des baptêmes, elle passe par les cœurs. Quel encouragement pour ceux qui cherchent !
La foi au Christ apparaît comme la seule dimension importante de nos vies.
Préparons-nous à entrer dans notre eucharistie en imitant la foi de la Cananéenne. "Seigneur, je ne te demande pas grand-chose : une seule parole et quelques miettes. Pas la peine de venir jusqu'à moi, je n'en suis pas bien digne, et les longs discours, je risque de ne pas bien les comprendre ou de les oublier. Mais, à distance, un simple mot de toi, et ma vie sera transformée. Seigneur, je ne te demande pas une place d'honneur au banquet de ton Royaume, mais un simple petit strapontin dans un coin. Et aujourd'hui une fraction d'hostie me suffira : ces quelques miettes nourriront ma foi. Oui, Seigneur, viens à mon secours !".
Solennité de l’Assomption de la Vierge Marie– Année A – 15 août 2020 - Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté Dieu
Ap 11, 19a;12, 1-6a.10ab / 1 Co 15, 20-27 / Lc 1, 39-56
Frères et sœurs, le dogme de l’Assomption est relativement récent au regard de l’histoire de l’Eglise puisque c’est le 1er novembre 1950 que le Pape Pie XII le proclama.
Dans cette solennité, ce qui apparaît en premier, c’est la foi des chrétiens. Pour les chrétiens des premiers siècles de l’Eglise, l’idée que Marie, la mère du Sauveur, ait pu connaître la dégradation du tombeau heurtait leur foi ! Très tôt, pour parler de la fin terrestre de Marie, la dévotion chrétienne a mûri l'idée d’une dormition. Nous connaissons bien ce mot quand nous disons de quelqu’un qu’il s’est endormi dans le Seigneur. Certes les Ecritures ne parlent pas de l’Assomption de la Vierge, mais, comme nous allons le voir, elles l’attestent à leur façon.
Souvent il y a une certaine confusion entre le mot Ascension, qui s’applique à l’Ascension du Seigneur, et le mot « Assomption » qui s’applique à la Vierge Marie. « Assomption » est un terme passif. On pourrait le traduire par « être assumé ». Ce qui veut dire que Marie ne s’élève pas au ciel d’elle-même mais qu’elle y est élevée, assumée, par le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Pour entrer dans le mystère de cette grande fête, l’Eglise nous a donné à entendre trois textes de l’Ecriture. Arrêtons-nous particulièrement sur le texte de l’Apocalypse et de l’Evangile.
Le livre de l’Apocalypse a de quoi nous laisser perplexes… les images sont oniriques et même effrayantes. Peut-être que les plus jeunes de notre assemblée sont plus à l’aise que nous dans un tel univers, habitués qu’ils sont à voir des films de science-fiction dans lesquels le Bien et le Mal, les bons et les méchants, s’affrontent dans des scénarios qualifiés à juste titre d’apocalyptiques ! « Apocalyptique », c’est effectivement le mot qui nous vient spontanément à l’esprit pour décrire des visions effrayantes. Or, « Apocalypse » veut dire « dévoilement ». Rien d’effrayant ! Une apocalypse dévoile et annonce l'intervention de Dieu pour une destinée heureuse des croyants au cœur même des épreuves.
Contrairement à l’usage que nous en faisons aujourd’hui, le mot Apocalypse désigne, non l’anéantissement, mais la Victoire, celle des chrétiens qui, bien que persécutés, sortent victorieux des forces du Mal. Réécoutons ces quelques lignes de l’Apocalypse : « Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ ! »
Or, frères et sœurs, la première bénéficiaire de ce salut qui nous vient tout droit de la résurrection du Christ, c’est précisément cette femme que nous décrit l’Apocalypse, celle en qui le péché n’a trouvé aucune place, la mère du Sauveur, celle en qui est déjà accomplie la promesse de la résurrection à laquelle nous sommes tous appelés.
Quant à l’Evangile de Luc, il nous donne de contempler le mystère de deux vies, non encore écloses au monde des hommes, de deux vies qui se tissent en Marie et d’Elisabeth ! L’enfant que porte Élisabeth et qui représente le dernier prophète de l’Ancien Testament, bondit de joie en présence de l’enfant que porte Marie. D’où la réaction d’Élisabeth qui, remplie à son tour d’Esprit Saint, désigne en Marie le Messie attendu en criant d’une voix forte (et là je reste au plus près du texte grec) : « bienheureuse es-tu d’avoir cru qu’il y aura un plein accomplissement aux paroles qui t’ont été dites de la part du Seigneur ! » Accomplissement comme assumé pleinement.
Dans cette exultation d’Élisabeth, c’est le sens profond de cette fête de l’Assomption qui est exprimé. En effet, c’est la confiance de Marie dans le plein accomplissement des paroles du Seigneur qui lui ont été dites qui fait que nous pouvons célébrer cette fête aujourd’hui. C’est cette confiance-là de Marie qui a été assumée par la naissance, la mort et la résurrection du Christ ! L’Assomption de Marie en son corps et en son âme, c’est bien l’œuvre de Celui qui a pris chair de sa chair, c’est le plein accomplissement de la foi de Marie !
Alors, frères et sœurs, soyons heureux nous-mêmes de croire qu’il y aura, pour nous aussi, un plein accomplissement aux paroles de vie qui nous ont été dites lors de notre baptême. Comme Marie, hâtons-nous sur les chemins de notre quotidien, tout joyeux de porter en nous, par notre foi, Celui qui se donne à nous ! Comme Marie et Elisabeth, tressaillons de joie nous aussi, car c’est bien cette joie qui nous transfigure chaque fois que nous sommes en présence du Seigneur de toute vie.
Ensemble, rendons grâce pour l’Assomption de la Vierge Marie et croyons de tout cœur qu’il y aura aussi pour nous un plein accomplissement des Paroles de vie du Seigneur qui nous sont données dès notre vie présente et qui s’accompliront pleinement dans notre vie par-delà notre mort. Gardons dans nos cœurs ces paroles brûlantes de Paul aux Corinthiens : le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis ; de même que tous nous mourrons en Adam, de même tous c’est dans le Christ que nous recevrons la vie… AMEN.
Homélie du 19ème dimanche du temps ordinaire– Année A – 9 août 2020 - Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté Dieu
1 R, 19, 9a.11-13a / Rm 9, 1-5.8-11 / Mt 14, 22-33
Jésus reprend pour les accomplir les actions de Moïse ou des prophètes. Élisée, le disciple d'Élie, avait nourri une centaine d'hommes en multipliant vingt pains d'orge, Jésus a nourri 5 000 hommes avec cinq pains et deux poissons. C’était l’évangile de dimanche dernier. Bien avant Élisée, Moïse avait nourri le peuple de Dieu au désert avec la manne et les cailles ; de la même manière, Jésus nourrit le peuple au désert avec le Pain de vie. Moïse a traversé la mer Rouge à pied sec ; aujourd'hui Jésus marche sur les eaux.
Puis, après avoir passé, seul, toute une nuit en prière, Jésus rejoint les disciples qui sont dans une barque en grande difficulté et qui crient. Ils appellent ‘au secours’ !
Les eaux et la mer déchaînées représentent, aux temps bibliques, les puissances de la destruction et de la mort dont les forces habitent le fond de la mer. Pensons au peuple libanais vit un drame terrible car sa capitale, vivant essentiellement de l’activité de son port, est détruite. Là, c'est le nitrate d’ammonium, pas l'eau, qui a donné la mort.
C'est moi ; n'ayez pas peur !” Pierre réagit avec son enthousiasme et sa fougue habituels : “Seigneur, si c'est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur l'eau.” - “Viens !” lui répond Jésus. Isaïe avait écrit à ce sujet : “Si tu traverses les eaux, je suis avec toi ; si tu passes les torrents, ils ne te submergeront pas”.
Ce qui arrive à Pierre et aux disciples nous ressemble : nos élans, notre foi, mais aussi nos hésitations, nos peurs, nos doutes. Nous comprenons facilement le risque que Pierre prend dans son élan spontané vers le Seigneur. Pour nous, suivre Jésus à sa manière inconditionnellement, avec une entière confiance en lui, mais aussi avec nos peurs et nos doutes, n'est-ce pas aussi notre expérience de croyantes et de croyants ? Pensez au prophète Jérémie : au moment de lui confier sa mission, Dieu exigeait de lui la même assurance : “Ne tremble point devant eux”.
Dans le perpétuel combat de la vie qui se joue en chacun de nous, avec nos échecs potentiels dont seul le Seigneur pourra nous tirer, est-ce que nous faisons l'expérience de la solidité de Dieu et que nous redirons avec les rameurs de nos nuits : “Vraiment, tu es le Fils de Dieu.”
Saint Paul, dans la lecture de ce matin, se désole de son peuple. Sa foi au Christ ressuscité est absolue, mais en même temps, il n’oublie pas qu’il est solidaire de son peuple. Il énumère les nombreux dons que les gens de sa race ont reçus : ils ont tout ce qu'il faut pour croire au Messie et pourtant ils n'accèdent pas à la foi au Christ. Saint Pierre regarde plus ses peurs que le Christ : alors il s’enfonce dans ce passage difficile vers l’autre rive dont seul le Christ est le pont.
Pour avancer dans la foi, Moïse quitte les structures sociales bien établies d'Égypte, ses oignons et ses marmites de viande. Il se met en route et repart les mains vides à travers le désert pendant 40 années vers cette Terre promise, alors qu’elle s'éloigne sans cesse au fur et à mesure qu’il avance.
Elie sort de la grotte de ses peurs ; il accepte d’entendre Dieu dans le bruissement ténu de la Parole de Dieu – c’est la traduction littérale de la bise légère. Et il est debout, vainqueur de la reine Jézabel qui veut sa mort, vainqueur aussi de ses peurs : il sort de sa grotte.
Pierre accepte de prendre la main que le Seigneur lui tend alors qu’il s’enfonce dans ses peurs et le Christ lui confie les clefs du Royaume.
Paul accepte les persécutions de ses propres frères juifs pour rompre avec la loi mortifère et il devient l’apôtre des nations païennes.
Et chacun de nous ? De quelle grotte je suis invité à sortir ? Quelles eaux suis-je invité à ne plus regarder pour me centrer sur le Christ ? A quelles ruptures suis-je invité pour vivre mieux, plus libre et plus adonné à la tâche du Royaume ?
Même si nous avons peur.
Il n'y a donc qu'une seule issue possible, c'est celle que Pierre nous indique dans sa réaction spontanée : “Seigneur, sauve-moi !”. L'appel au secours de Pierre au Christ est à la fois l'aveu de sa faiblesse et le don de sa confiance. Il sait que la force de dominer la mer n'est pas en lui. Il sait en même temps que le seul qui pourra le sauver est le Fils de Dieu, en qui il a déjà mis toute sa confiance. Nous sommes heureux à notre tour de proclamer la foi de Pierre, qui est la foi de l'Église ! Qui est notre foi !
Homélie du 13ème dimanche – Année A – 28 juin 2020 Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté Dieu
Si nous sommes ce matin dans cette chapelle, c’est parce que le Christ nous donne rendez-vous. Et parce qu’un jour nous avons fait le choix de prendre le Christ comme Maître et comme ami.
L’Évangile que nous venons d’entendre est déroutant. Nous aimons quand le Christ parle en paraboles, quand il guérit les malades, nourrit les foules, prend soin des plus pauvres, des petits, des enfants. Mais nous sommes déroutés quand Jésus s’en va seul, à l’écart sur la montagne, pour prier et pour opérer les choix qui fondent une existence tout entière.
L’Evangile d’aujourd’hui nous déconcerte. Jésus met les points sur les " i ", donnant, pour qui veut le suivre, des repères aussi indispensables qu’incontournables. Il vous faut choisir !
" Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi " - " Celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi " - " Celui qui ne prend pas sa croix pour me suivre n’est pas digne de moi " - " Celui qui veut garder sa vie la perdra ".
Ce chapitre 10 de Matthieu est une sorte de code de conduite, une liste de recommandations et d’avertissements que Jésus donne aux apôtres qu’il vient de choisir pour être ses disciples.
Pour ses amis, sa parole oblige celles et ceux qui veulent le suivre à prendre conscience de l’importance des choix à poser pour être ouvrier du Royaume et donc des ruptures qui vont avec. Jésus ne nous dit pas de ne pas aimer père, mère, enfants, et même notre propre vie. Il nous invite de manière radicale à poser les choix fondateurs qui donneront à notre vie une réelle capacité à aimer comme lui-même nous aime. Des choix à poser et à assumer, parce qu’ils conduiront inexorablement le disciple à d’autres choix que les valeurs d’un monde sans Dieu ; des choix qui s’imposeront à celui qui choisit d’être son ami et d’être fidèle à son appel à vivre l’Évangile.
Suivre le Christ, choisir le Christ pour Maître et pour ami, ne pourra se faire qu’en renonçant vraiment à ce qui n’a rien à voir avec l’Évangile et la Bonne Nouvelle. Choisir, c’est renoncer. Choisir le Christ, c’est quitter ce qui ne peut que vieillir pour entrer dans la vraie vie de Dieu, une vie donnée. C’est exigeant mais quand le Christ appelle des disciples, il désire pour eux le meilleur, la sainteté. Morts au péché mais vivants pour Dieu. Jusqu’à porter notre croix ! La croix signifie : aimer comme le Christ.
Choisir le Christ pour Maître et pour ami, jusqu’à porter notre croix, ce n’est pas une performance à accomplir. Vivre l’Évangile n’est pas une course d’obstacles ni un marathon ! Cela n’apporte ni honneur, ni argent mais plutôt des persécutions.
Mais vivre l’Évangile change tout dans la vie de celui qui choisit le Christ pour Maître et pour ami. Vivre l’Évangile, c’est puiser dans le Christ la source dont nous avons besoin pour être visage du Christ pour nos frères. Vivre l’Évangile, c’est donner à notre vie d’être elle-même "don" : notre vie tire toute sa valeur et sa grandeur dans notre capacité à la donner, et à la perdre à la manière du Christ lui-même. C’est ce que fait cette femme dans la 1ère lecture et l’on voit à quelle fécondité cela nous conduit.
Ce que nous disons au travers de nos engagements et notre passion de l’Evangile, avec ce que nous sommes, notre histoire, nos désirs, notre volonté, nous engage sur une parole qui vient de bien plus loin que nous. Et plus nous revêtons la tenue de service, plus nous devenons visage du Christ pour nos frères et nos sœurs.
Soyons des disciples, choisissons sans hésitation le Christ pour Maître et pour ami. Répondons à son appel, exigeant certes, mais qui nous libère d’une vie fermée sur elle-même pour avancer vulnérables à la suite du Christ et "donner à boire, même un simple verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits en sa qualité de disciple."
Solennité de la Pentecôte – Année A, 31 mai 2020, Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté Dieu
Ac 2,1-11 / 1Co 12,3b-7.12-13 / Jn 20,19-23
Au Cénacle, l’Eglise naissante sort d’un long confinement de 50 jours. Elle naît sur des ruines. Rien d’étonnant à cela. Jésus n’avait-il pas dit : « Détruisez ce Temple et en trois jours je le relèverai » ? Qu’est-ce qui est détruit, douloureux, confiné blessé dans la vie et dans le cœur des disciples en ces jours de la Passion/Résurrection de Jésus ?
- Sans doute l’espoir d’une église triomphante dans laquelle, eux, les disciples, occuperaient les premières places, victimes de leur ego surdimensionnés et de leurs volontés de puissance.
- Mais aussi les ruines des dernières illusions qu’ils avaient sur eux-mêmes, leur incapacité à avoir la foi en Jésus, à le suivre et lui être fidèle, leurs difficultés à s’ouvrir pleinement aux autres et à vivre la fraternité.
Nous comprenons pourquoi la Pentecôte n’a pas surgi de suite dans la vie des disciples. Il faut consentir au temps, à l’attente. Cinquante jours. Et pour nous davantage avec le Covid-19. Mais le Seigneur ne nous a-t-il pas dit que nous ferions plus que lui… ?
Parce qu’il faut du temps pour accepter de mourir aux fausses images du Sauveur, mais aussi à l’image idéalisée de soi-même. Il faut de la persévérance pour laisser tomber les murs de nos fausses sécurités pour se découvrir libres, enfin libres de faire du Christ humble et pauvre notre vraie richesse, de mettre en lui notre confiance et notre fierté.
Persécutés, les premiers chrétiens vont fuir Jérusalem. Durant trois siècles, ils vont vivre dans une extrême précarité. Et pourtant leur foi vive, ardente, incandescente, rayonne. Jusqu’au jour où l’empereur lui-même se convertit et décrète le Christianisme religion d’État. On commence à construire de magnifiques cathédrales, les chrétiens ont pignon sur rue, leurs évêques deviennent des notables mais n’ont-ils pas perdu avec la sève évangélique ? Heureusement, Dieu veille ! Des crises régulières, intérieures ou extérieures, viennent bousculer l’Eglise et la société. Pour renaître sans cesse de ses ruines.
N’ayons pas peur des crises violentes qui traverse l’Église, et aujourd’hui notre planète tout entière. Durant des années, nous avons cru maintenir notre belle image de nous-même, tel un appartement témoin cherchant à cacher les lézardes qui fragilisent toute la construction. Aujourd’hui, ce n’est plus possible ! Ne cherchons surtout pas à reconstruire à l’identique ! Nous ôterons bientôt nos masques de laideur pour que nos visages irradient du Ressuscité. Nous saisirons la chance qui nous est donnée de vivre autrement.
Les apôtres parlèrent d’autres langues, selon l’Esprit. Nous aussi, vivons autrement avec les autres. Parce que c’est quand tout s’écroule qu’apparaît l’essentiel. C’est lorsque l’on consent à sa pauvreté que l’on s’ouvre au don de l’Esprit qui vient faire toutes choses nouvelles. La Pentecôte est bien c’est promesse d’une nouvelle naissance, dans l’eau et l’Esprit.
Le temps est venu de transcender la peur en espoir.
Le temps est venu de ne plus sacrifier le futur au présent et de ne plus laisser l’avenir décider à notre place.
Le temps est venu de réanimer notre humanité, de prendre soin et de réparer la planète.
Le temps est venu de se rappeler que la vie est un don, qu’elle est fragile et que tout est lié.
Le temps est venu de cultiver la différence.
Le temps est venu de reconnaître notre vulnérabilité et d’apprendre de nos erreurs.
Le temps est venu d’une mondialisation qui partage avec les plus faibles.
Le temps est venu d’une économie qui préserve et redistribue à chacun.
Le temps est venu d’une économie sociale et solidaire.
Le temps est venu de nous fixer des limites dans ce qui blesse mais aucune dans ce qui soigne.
Le temps est venu d’apprendre à vivre plus simplement, de vivre avec moins mais mieux.
Le temps est venu de nous libérer de nos addictions consuméristes.
Le temps est venu de faire naître des désirs simples, de distinguer l’essentiel du superflu.
Le temps est venu de lier notre je au nous et de croire en l’autre.
Le temps est venu de vivre de l’Esprit de Jésus et du Père.
Le vent de l’Esprit vient tout ébranler. Il planait sur le chaos primordial avant que la parole ne surgisse et donne vie. Sur la croix, Jésus remet son dernier souffle en disant : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit. » Le chaos, la mort… Et aujourd’hui, Jésus remet à chacun de nous son Esprit. Tout peut commencer : laisse-toi ébranler, bousculer, déplacer par l’Esprit, vent parfois violent ou souffle si fragile…
Le feu de l’Esprit nous embrase de la présence de Dieu. Comme le buisson dans le désert qui brûlait sans se consumer, nous sommes appelés à nous laisser embraser par le feu de l’Esprit. Est-ce ça brule en nous, de Dieu ?
En écoutant chaque jour la Parole de Dieu, nous devenons parole de Dieu pour d’autres vie. Non plus en grec ou en latin ! Mais avec la langue de l’amour, du respect, de la miséricorde, de la communion fraternelle, de cet élan qui nous pousse vers l’autre pour partager la joie de croire. Ce langage-là est universel. Chacun peut le comprendre dans sa propre langue.
Frères et sœurs, l’Esprit nous est donné en ce jour de Pentecôte, promesse d’une nouvelle naissance. Comme en se penchant sur le berceau du nouveau-né on se demande ce que deviendra cet enfant, nous nous demandons ce qui va naître de la crise immense dont nous n’avons qu’entr’ouvert à peine la fenêtre. Les plus grands saints ont été donnés à l’Église aux heures les plus sombres de son histoire. Appuyons-nous sur la promesse de Jésus : « N’ayez pas peur, je suis vainqueur du monde. Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fon du monde ». Et Jésus ne ment pas. Il fait ce qu’il dit.
Homélie du 2ème dimanche ordinaire – Année A, 19 janvier 2020, Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté Dieu
Nous sommes dans les mêmes conditions que dimanche dernier, jour du baptême du Seigneur. Jean propose, dans l’eau, un baptême de conversion, et voilà qu’il se retire pour laisser place à celui qui baptise dans l’Esprit saint. Regardez celui sur qui descend et demeure l’Esprit saint, comme une colombe : « c’est lui, le Fils de Dieu ».
C’est lui le serviteur de Dieu dont parle Isaïe dans la 1ère lecture. Mais c’est aussi chacun de nous quand nous recevons l’Esprit saint et que nous le laissons demeurer en nous, que nous le laissons agir en nous.
Alors entendons ces paroles d’Isaïe pour nous-mêmes :
Nous ne pouvions pas rejoindre l’autre : un Autre nous a rejoint. Dans la pauvreté de la crèche. Dans le dénuement de la croix.
Nos ténèbres intérieures étaient si profondes : la lumière du Christ a éclairé notre regard pour le découvrir Fils de Dieu.
Nous étions paralysés par nos peurs et nos doutes, par nos histoires relationnelles parfois difficiles, par nos blessures ou notre péché : Dieu nous a pris la main et nous dit : « Tu as du prix à mes yeux ».
Nous étions paralysés : je te ferai délivrer les autres de leurs paralysies.
Nous étions aveugles et nous ne voyions pas la vie : je ferai de toi une lumière qui éclaire ceux qui marchent dans les ténèbres, jusqu’aux extrémités de la terre.
Nous étions enfermés : je te mettrai au carrefour des nations pour être un passeur de frontières.
Nous jouions perso : je te ferai partager mon destin et ma mission.
Nous étions bloqués par notre passé : tu te lèveras vers l’avenir que le Christ te propose.
Epiphanie du Seigneur – Année A, 05 janvier 2020, Fr Benoît DUBIGEON, Chapelain à la Clarté Dieu
Que signifie « Épiphanie » ?
Si dans le monde gréco-romain, les gens utilisaient ce terme pour parler de la manifestation secourable d’une divinité ou la venue triomphale d’un souverain dans une ville, sur son trône, saint Paul a utilisé ce mot dans sa lettre à Tite (2,13) à propos de la 1ère venue de Jésus, sa naissance, et de sa 2nde venue, dans la gloire.
Ce mystère est celui de la manifestation du Christ à toutes les nations, et nous faisons partie de ces nations !
Regardons cet événement de l’adoration des mages avec celle qui en a été le premier témoin, Marie. On peut imaginer Jésus quand il avait 7 ou 8 ans et demandant à sa mère : « Maman, raconte-moi l’histoire des mages et de l’étoile. » On peut imaginer sa réponse : « Écoute bien, mon fils. Tu étais tout petit, et nous étions encore, ton père et moi, à Bethléem. Voici que frappent à la porte des mages. Ils viennent de très loin, du pays où le soleil se lève, du pays d’Abraham notre père, à qui Dieu, à cause de sa foi, a promis une descendance aussi vaste que les étoile du ciel (Gn 26,4). Ce sont des savants. Dans le ciel, ils voient une étoile, signe d’un événement cosmique. Est-ce un songe, une révélation ? Ils ont lu dans nos écrits les plus anciens, la Tora, l’histoire de Balaam. C’est un prophète païen comme eux ; il avait annoncé qu’une étoile se lèverait en Israël, annonçant ainsi un roi qui dominerait des peuples nombreux. Ces savants partent alors dans la nuit, sur le sentier d’Abraham, pour honorer le roi des Juifs. Ils représentent la part de notre l’humanité qui désire Dieu. Ils arrivent ainsi à Jérusalem. Ils consultent les spécialistes des Ecritures Saintes et parviennent aux conclusions de leurs recherches : le roi des Juifs - que nous appelons, nous, Messie, ou Christ - doit naître à Bethléem, la cité de David. Ton père Joseph descend de David. A cause du recensement impérial, nous étions justement à Bethléem quand tu es né. Aussitôt, les mages viennent jusqu’à nous, en direction de l’étoile qui leur est apparue comme à nous. Sans se scandaliser de la mangeoire d’animaux où tu es né, ces étrangers t’ont adoré comme roi et Créateur. Ils ont offert leurs présents : l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Ils sont magnifiques, ces mages, vêtus comme des rois. Ils jubilent de joie, parce que dans les ténèbres de notre époque, ils t’ont reconnu comme la vraie étoile, le vrai soleil, la Lumière du monde, le Fils de Dieu. Et moi aussi je jubile, car je me souviens de l’oracle d’Isaïe sur Jérusalem (entendu dans la 1ère lect., Is 60, 1-6) et nous formions à ce moment-là, nous et les mages avec toi, la nouvelle Jérusalem, remplie de la gloire du Seigneur :
… sur toi se lève
le Seigneur,
sur toi sa gloire apparaît.
Les nations marcheront vers ta lumière,
et les rois, vers la clarté de ton aurore.
(…) vers toi viendront les richesses des nations
(…) Tous les gens de Saba viendront, apportant l’or et l’encens,
ils annonceront les exploits du Seigneur.
Voilà ta grande manifestation, ton Épiphanie : ces mages, étrangers à l’Alliance de Dieu, ont été conduits par Dieu jusqu’à toi, mon fils, lumière du monde. Ce sont eux, des étrangers, et non pas des théologiens de Jérusalem, qui ont ouvert nos cœurs à l’espérance. Au-delà de leur démarche personnelle, ils représentent les nations qui ne connaissent pas le vrai Dieu et son Fils Jésus Christ. Ils représentent tous les peuples qui « marchent vers ta Lumière ».
Et toi, mon fils, tu jubilais aussi : tu t’es mis à gazouiller et tu leur as ouvert les bras, tu ouvrais tes bras au monde entier. Eux, ensuite, rassérénés et fortifiés, sont partis proclamer la merveille aux peuples qui ne te connaissaient pas.
Jésus, qui avait écouté fort attentivement, posa alors une question : « Maman, dis-moi la signification de l’or, de l’encens et de la myrrhe… »
Les mages t’offraient l’or pour symboliser ta royauté, la myrrhe comme être de prière en vue de l’ensevelissement de ton corps humain après ta mort sur la croix, anticipant ainsi ta souffrance à venir de n’être pas reçu ; avec l’encens ils t’adoraient en tant que Dieu. Voilà l’interprétation de saint Bernard.
Saul, le radicalisé scrupuleux de la Loi juive et persécuteur des chrétiens, lui, a vécu une épiphanie du Christ ressuscité, vrai Dieu et vrai homme. Il s’inclinera devant toi et comprendra que tout homme peut entrer dans l’Alliance que tu es venu offrir de la part de Dieu ton Père.
Avec les mages, avec saint Paul, oui, tous, nous sommes appelés à participer au même héritage promis à Abraham, à faire partie du même corps, ton Corps et à partager la même promesse par l’annonce de l’Evangile.
Frères et sœurs, comme aux mages, à saint Paul et à tous les saints qui nous ont précédés, l’épiphanie, la révélation de Dieu nous est faite à nous aussi « en esprit et en vérité » chaque fois que nous discernons ta présence, Seigneur, dans le plus petit de nos frères. Chaque fois que, dans l’Eucharistie, nous te discernons, nous t’adorons et te recevons non seulement dans notre bouche, mais aussi au plus intime de notre personne.
Alors, belle EPIPHANIE à chacun de nous aujourd’hui, jusque dans l’éternité merveilleuse.